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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

et même les échanges lointains, permet de se procurer des denrées alimentaires en retour de beaucoup d’autres produits ; on a même remarqué que ce sont les pays qui ont le moins de territoire et qui ne subsistent qu’au moyen de leur commerce, comme la Hollande, Venise, Gênes, qui sont le moins exposés aux disettes. Non-seulement ils vont chercher les blés où l’on peut en trouver, mais où l’on peut les acheter au meilleur marché[1].

Si la population, en thèse générale, se proportionne à la production, c’est la quantité d’industrie, mère des produits, qui exerce une influence fondamentale sur la population des états. Cette seule observation décide les longues discussions qui se sont élevées dans le dernier siècle, pour savoir si le monde était plus peuplé autrefois qu’aujourd’hui. Était-il plus industrieux, plus généralement cultivé, avait-il plus de manufactures, un commerce plus étendu, à des époques où la moitié de la terre habitable était encore inconnue, où la partie connue était plus d’à moitié couverte de forêts, où la boussole n’était pas découverte, et où les sciences, fondement de tous les arts, étaient dans l’enfance ? Si l’on convient que non, il est impossible de soutenir que le monde fût, à beaucoup près, aussi peuplé que nous le voyons. Si l’on n’a le flambeau de l’économie politique à la main, on ne peut mettre aucune critique dans l’étude de l’histoire.

De ce que l’industrie est le fondement de la population, on peut conclure que la démarcation des états et des provinces, les lois et les mœurs des nations, ne sont que des circonstances accidentelles qui n’influent sur la population qu’indirectement, et par leur influence sur les développemens de l’industrie.

§ II. — Comment la nature de la production influe sur la distribution des habitans.

Pour cultiver la terre, il faut que les hommes soient répandus sur toute la surface du sol ; pour cultiver les arts industriels et le commerce, il leur convient de se réunir aux lieux où l’on peut les exercer avec plus d’avantage, c’est-à-dire, aux lieux qui admettent une plus grande subdivision

  1. L’Angleterre, malgré son commerce étendu, a eu d’assez grands maux à souffrir en raison de la cherté du blé, surtout depuis l’année 1800, où elle a cessé d’être un pays exportateur, pour devenir importateur de blé. Mais cela est venu évidemment des vices de son organisation politique, qui met le pouvoir entre les mains des grands propriétaires terriens. Ils ont maintenu des droits équivalens à une prohibition sur l’importation des blés étrangers, pour se ménager le monopole du marché de l’intérieur.