Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/550

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
549
DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

ties : comme dépositaires du pouvoir de faire des lois, ils peuvent déterminer l’époque et la manière dont, en leur qualité de débiteurs, ils devront s’acquitter ; le recours aux tribunaux est insuffisant contre eux, puisque les tribunaux sont les organes de l’autorité et les exécuteurs de la règle qu’il lui plaît d’établir ; enfin nulle contrainte ne peut être exercée contre le gouvernement, et, en dépit de sa bonne volonté, les tempêtes de la politique peuvent le mettre hors d’état de s’acquitter.

Ces considérations expliquent pourquoi, malgré tous les moyens employés pour soutenir leur crédit, ou plutôt pour y suppléer, ils ne trouvent pas en général des fonds à des conditions aussi avantageuses que de solides hypothèques ou une maison de commerce du premier rang. Plusieurs états auraient même été dans l’heureuse impossibilité de dépenser leurs revenus par anticipation, si l’Angleterre ne leur avait fourni un moyen d’emprunter qui l’emporte en puissance sur tous les autres. Je veux parler du mode usité maintenant partout, de négocier les emprunts par souscription à des compagnies de traitans qui achètent les rentes de l’état en gros pour les revendre en détail[1].

Le gouvernement qui veut recevoir un principal et qui ne peut le payer qu’en donnant une rente annuelle, met en vente la promesse de cette rente que nous supposerons ici de 5 fr, et la cède, entre les différentes compagnies de prêteurs, à celle qui, pour l’obtenir, lui offre le plus gros capital. Jusque-là, et en supposant que l’emprunt soit suffisamment justifié par des besoins véritables, cette marche n’a rien que de conforme aux intérêts du public ; car, plus la rente de 5 fr. est payée chèrement, et moins l’état a de semblables rentes à fournir pour obtenir le capital dont il a besoin. Mais, dans l’exécution, cette opération devient plus compliquée et plus fâcheuse. Afin d’assurer le titre du prêteur, et pour déguiser en même temps le taux de l’intérêt, le gouvernement consent à supposer que le prêteur a versé dans ses caisses une somme de 100 fr. et qu’il lui en paie l’intérêt à 5 pour cent, quoique la compagnie financière qui s’est chargée de l’emprunt, n’ait payé cette même rente de 5 fr. que 89 fr, 72 fr., 60 fr. et même moins ; de sorte que dans ce dernier cas, par exemple, l’état se reconnaît débiteur pour chaque rente de 5 fr., outre la somme de 60 fr. qu’il a reçue, d’une somme imaginaire de 40 fr. qu’il n’a pas reçue.

  1. Il paraît que ce mode a été employé d’abord par Pitt, ministre à qui l’humanité a plus de reproches à faire qu’on ne pense.