Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/556

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
555
DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

situation, son excédant de l’année prochaine ne sera-t-il pas de vingt un millions, qui rachèteront un million et cinquante mille francs ? n’est-ce pas là tout l’effet qu’on peut attendre de l’intérêt composé ?

On voit que le point essentiel pour éteindre une dette, c’est, tout bonnement, de réduire les dépenses et d’y employer les recettes excédantes. Pendant toutes les années de la guerre que l’Angleterre a fait à la révolution française, et même quelques années après, l’Angleterre a constamment emprunté des sommes beaucoup plus considérables que celles qui étaient rachetées par sa caisse d’amortissement. Il aurait mieux valu pour elle qu’elle eût employé à ses dépenses les impôts additionnels qu’elle avait établis au profit de son amortissement, et qu’elle eût emprunté de moins le montant de ces charges additionnelles. C’est maintenant une vérité dont on convient en Angleterre, et sur laquelle on peut appeller en témoignage deux économistes célèbres de notre époque. Robert Hamilton, à qui nous devons le meilleur ouvrage qu’on ait fait sur la dette publique, prononce qu’on n’a retiré de la caisse d’amortissement qu’un avantage fictif et illusoire[1] ; et David Ricardo déclare qu’elle n’a été caisse d’amortissement que de nom[2].

On a maintes fois proposé d’affranchir un état de ses dettes par une banqueroute brusque ou graduelle ; mais une mesure de ce genre, en mettant même à part ce qu’elle peut avoir d’injuste, ne rémédierait nullement au mal : elle n’aurait d’autre effet que de le transporter sur d’autres individus. Sans doute on déchargerait les revenus des contribuables de tout l’impôt qu’on leur fait payer pour acquitter les intérêts de la dette ; mais on diminuerait les revenus des créanciers de l’état de tout le montant de la même somme. Ce résultat serait même plus funeste pour les créanciers, qu’il ne serait favorable aux contribuables ; car enfin, parmi ces derniers il n’en est aucun à qui l’impôt, quelque exagéré qu’il soit, ravisse la totalité de son revenu, tandis qu’en supprimant l’intérêt que l’on paie aux rentiers, il en est beaucoup d’entre eux qu’on laisserait absolument sans ressources.

Pour guérir la lèpre des emprunts, le seul parti raisonnable est celui que prennent les malades qui ont ruiné leur tempérament par des excès, et qui le rétablissent par un régime plus sévère : il faut refaire par degrés

  1. Rob. Hamilton : On national Debt, page 238 de la troisième édition anglaise.
  2. David Ricardo : On political Economy, page 289 de la troisième édition anglaise.