Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Ainsi, lorsque Raynal a dit du commerce, l’opposant à l’agriculture et aux arts : Le commerce ne produit rien par lui-même, il ne s’était pas formé une idée complète du phénomène de la production. Raynal a commis dans cette occasion, relativement au commerce, la même erreur que les économistes relativement au commerce et aux manufactures. Ils disaient : l’agriculture seule produit ; Raynal prétend que l’agriculture et les arts industriels seuls produisent. Il se trompe un peu moins, mais se trompe encore.

Condillac s’égare aussi lorsqu’il veut expliquer de quelle manière le commerce produit. Il prétend que toutes les marchandises, valant moins pour celui qui les vend que pour celui qui les achète, elles augmentent de valeur par cela seul qu’elles passent d’une main dans une autre. C’est une erreur ; car une vente étant un échange où l’on reçoit une marchandise, de l’argent, par exemple, en retour d’une autre marchandise, la perte que chacun des contractans ferait sur l’une des deux, compenserait le gain qu’il ferait sur l’autre, et il n’y aurait point dans la société de valeur produite par le commerce[1]. Lorsqu’on achète à Paris du vin d’Espagne,

  1. C’est à quoi M. de Sismondi n’a pas fait attention lorsqu’il a dit : « Le commerçant se plaça entre le producteur et le consommateur pour rendre service à l’un et à l’autre, et se faire payer ce service par l’un et par l’autre. » (Nouveaux principes d’Économie politique, liv. II, ch. 8.) Il semblerait que le commerçant ne vit que sur les valeurs produites par l’agriculteur et le manufacturier, tandis qu’il vit sur une valeur réelle ajoutée par lui aux marchandises, en leur donnant une façon de plus, une faculté de servir. Ce préjugé est le même que celui qui soulève populace contre les négocians en grains.