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ANCIENNE

partie de la côte du sud, dans les montagnes du nord de rAngleterre et en Ecosse, et dans les contrées de l’Ouest où les Celtes ne furent que tardivement subjugués, le Devon et laCor- nouaillesetle paysde Galles. DansleSud-Est, les Belges avaient, comme nous l’avons déjà remarqué, avant l’arrivée des Anglo-Saxons, de grandes fermes séparées, comme ils en avaient vis-à-vis sur les côtes du continent. Le Kent et Tile de \Vhigt, ainsi que la côte anglaise qui fait face à cotte ilo, furent conquis par des «< Jutes », nom qui probable- ment, d’après les observations linguistiques, désigne des peuples venus des côtes du nord- ouest de l’Allemagne. Les villages, avec com- munautés des champs divisés en longues bandes, ont couvert toute la partie de l’An- gleterre qui a été conquise, dans la dernière partie du ix"-’ siècle, par les Danois, et qui est couverte de noms d’origine danoise  ; c’est là que les Normands, encore païens, massacrèrent les Anglo-Saxons. Ces villages s’étendaient cependant plus loin encore et surtout dans le centre du pays. Ils avaient donc, selon toute apparence, été fondés déjà par les Angles, qui suivaient les mêmes routes de conquête que devaient suivre plus tard les Danois. Le parti saxon du Sud, une cer- taine partie du Centre et surtout les parties conquises plus tard par les Anglo-Saxons sur les Celtes, ont eu des formes de colo- nisation plus mélangées et surtout ont eu des villages de moindre étendue et des champs plus carrés. C’est aussi là que l’on trouve le plus grand nombre d’hommes dépen- dants.

Mais précisément la différence qu’il y a, sous ce rapport, entre les différentes régions de l’Angleterre, contribue à l’évidence de l’origine teutonique des villages anglais (i).

(l)Les auteurs qui ont étudié spécialement l’influence teu- tonique, y compris celle des Scandinaves, ont marqué une réaction naturelle contre leurs prédécesseurs plus romanistes. Freeraan a pu donner, comme historien, un tableau très diiîércut île celui de Sir Francis Palgrave (ou Cohen, nom primitif de cet auteur)  ; et il démontre que la belle description des relations entre les X.irmands français et les Saxons que nous a donnée Augustin Tliierry est, sous plusieurs rapports, beaucoup plus un roman qu’une histoire. Mais, à leur tour, les nouveaux auteurs ont détruit beaucoup de ce qu’il y avait de trop absolu dans les théories de M. Freeman et de ses contemporains.

i  :. Nasse, Ueber die mitlelalterliche Feldgemewschaft luid die Einhegungen des 16"" Jahrhnnderts in England, 1860.

Les opinions de M. Seebohm [The English Village Com- munlties, 1883  ; The Tribal Sij.item of Wales, 1 895  ; ont trouvé beaucoup d’adhérents, et la théorie de la continuation de la culture depuis l’époque romano-celtc par les mômes classes et sous la même forme est aussi adoptée par un jirand nombre d’auteurs (G. L. Gomme, The Village Commmitg wilh spécial référence io the original form ofthe survivais ia Great Dritain, 1890  ; antérieurement, H. C. Coote, The Romains of Dritain, 1878  ; .M.Ashley, maintenant professeur à Harvard en Amérique  ; dernièrement l’historien f. York Fowell).


98 — COLONISATION .VNCIENNE

6. La colonisation teutonique en France.

La colonisation teulonique on France res- somble à la colonisation teutonique du sud de l’AUenuigne. Les tribus habitent en villages comme en Allomafxnc. On trouve de grands villages chez les Vangiones, les Nemetos et les Tribucci qui suivent Ariovistc dans le Palati- nat Rhénan et la basse Alsace  ; chez les Ubii qu’Agripfia conduit vers Vanloo. On trouve des villages moins grands chez les Alamans sur les deux rives du Rhin, depuis la Suisse jusqu’en Belgique. Là où, plus tard, les con- quérants ne pénètrent qu’en petit nombre, ils prélèvent, comme les Romains, une partie des revenus, comme l’ont fait les Burgondes, les Visigoths (et les Lombards en Italie), qui en prenaient, en produits ou bientôt en ter- res, un tieis, la moitié ou deux tiers. Mais il en fut autrement là où ils s’emparèrent de toute la terre, ou, en tout cas, de grandes parties du terrain. Les Franks Saliens con- servent leur système de fermes isolées dans le Brabant et les Flandres jusqu’en Normandie. Les Franks, en général, colonisèrent en vil- lages. On signale ces villages depuis les limites du Brabant et des Flandres jusqu’à Boulogne et à Dieppe  ; dans le Beauvaisis et l’Ile-de- France  ; jusqu’aux régions qui avoisinent la Loire entre Orléans et Blois  ; dans la Champagne, dans la Côte-d’Or et jusqu’à l’Yonne. Les Burgondes ont probablement, eux aussi, colonisé en plus grand nombre en Bourgogne et en Franche-Comté, entre Arbois et Lons-le-Saulnier, les Visigoths dans la région de la Loire supéineure, Polignac, Saint-Étienne et Montbrison, dans les vallées de Saint-Flour, de Marvejols et de Rodez, de Clerinont-Ferrand et dans la vallée de l’Allier à Bourges, et enfin dans le pays compris entre la Charente et la Sevré Nior- taise. Dans toutes ces localités, on retrouve des traces de leurs villages. On croit recon- naître, aux environs d’Alonçon, des villages qui, d’après Jordanes, proviennent des Alains, des villages saxons à Bayeux, à Saumur, dans l’île de Ré et à l’embouchure de la Loire (si ce ne sont pas des Normands), des villages de Normands danois àÉvreux, à Bernay, aux Grands-Andelys.

Il apparaît que Rollon établit ses Scandi- naves sur toutes les frontières de sa pro- vince  : on trouve une large zone qui s’étend entre Bayeux, Argentan, Évreux et la Seine, et qui couvre le pays entre l’Eaume et l’An- delle, tandis que les fermes isolées se sont maintenues vers l’embouchure de la Seine entourées par cette zone de la Dive à l’An- delle et à l’Eaume. Guillaume de Jumièges dit que Rollon distribuait les terres à ses com-


COLONISATION