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ANCIENNE — 100 — COLONISATION ANCIENNE


M. Seebohm n’a encore été prouvée, pas plus pour la France que pour l’Angleterre. Les villages sont, selon toute apparence, une création teutonique (1).

7. Noms des lieux.

Les noms de lieux contribuent à nous éclairer sur la nature de la colonisation qui s’y est produite et à signaler la participation des divers peuples ([ui y ont contribué, et ils pourront, sans doute, à mesure qu’ils seront étudiés davantage, fournir encore des documents plus nombreux.

On a voulu déduire des terminaisons fréquentes signifiant « habitation », que la colonisation n’a pas eu lieu en villages. On peut, à l’aide de diverses autres circonstances, arrivera des conclusions sûres pour certaines périodes  ; mais presque toujoui^s ce sont les mêmes mots qui indiquent ces deux choses, habitations séparées et villages. Ils indi- quent plutôt avec certitude les races qui ont, dans un endroit donné, apporté leur colonisation. En latin, le mot viens désigne les habitations  ; on suppose qu’il est iden- tique au mot oix.oç en grec  ; il revient sous di- verses formes, vie, icic, ivijk, icijk, icich, dans les langues teutoniques. Mais il signifie aussi les villages, comme chez Tacite dans son livre sur les Germains, ainsi que des mots identiques en d’autres langues, le grama des Indes, le hvactii des Iraniens, la y."yj.r, des Grecs. Viciai (voisins  ; est le premier mot qui signifie concitoyen. Même le nom viking, donné à la dernière émigration teutonique, celle deSxNormands dans la dernière partie du ix^ siècle, que l’on acru autrefois dérivé de i-tA" ou vie, une baie, est maintenant (M. Bugge, de Christiania) expliqué comme voulant dire ceux qui s’établirent dans des places fortes, dans les viei. Le mot latin qui désigne des établissements de second ordre, vicitla, villa, lui aussi, s’applique aussi bien à des villages ou des villes qu’à des habitations  ; dans les lois des Franks Saliens et des Fiùsons, il signifie fermes séparées  ; dans d’autres ré- gions, il signifie ordinairement villages. Le mot heim, home en anglais, Hjein et hem dans le Nord moderne, signifie domesticité, la y.wj.r, des Grecs, mais il est une terminaison de nom de village qui caractérise spécialement les Franks du Uhiu et leur colonisation répandue depuis le v^ siècle sur le Rhin, en Alsace, sur le Neckar et sur le Mein, au nord de la Moselle et en Artois, où souvent il se rencontre sous la forme de hen. Il se retrouve

(1) Les sources les plus autorisées, pour le système du village en France, sont, en dehors d’indications éparses chez quelques auteurs belges, presque toutes des ouvrages d’auteurs allemands, notamment ceux de M . Meitzen.


sur les côtes de la mer du Nord jusqu’en Danemark, où plus tard il est souvent changé en um  ; cette terminaison um, cependant, peut aussi venir, comme aux Pays- bas, de hemme, pâturage, enclos. Une grande quan- tité de noms anglo-saxons se terminent en ham. Cette désinence revient sous la forme de hem dans les Gôlelands suédois et sous celle de heim en Norvège. Une autre tei-mi- naison est très usitée en Angleterre  : c’est ton, stane ou slone en Ecosse, mots qui viennent de l’ancien tun, signifiant un lieu clos près d’une maison, encore employé en Islande, et qui se retrouve dans les langues slaves sous la forme de tuia. En allemand, le mot zaun, signifiant un clos quelconque, est de la même étymologie. Dans une partie de l’Allemagne centrale, beaucoup de noms de lieux se terminent par thun. Tandis que la terminaison hem se retrouve particulièrement, comme nous l’avons dit, dans les Gotelands, la terminaison twi ou tiina se trouve au nord des grands lacs suédois chez les Svears, et dans l’intérieur de la Norvège. S’il est une terminaison qui peut être supposée caractéristique du village teutonique, sans ordre déterminé des habitations, c’est turba, dorf en allemand, thorp, chez les Goths, derevnia chez les Slaves, dont le désordre des habitations faisait un pèle-mèle, une tourbe, en quelque sorte  : c’est le mot latin turba. C’est aussi le nom que donne Tacite aux villages teutoniques. Il caractérise, en Allemagne, une partie des villages des Franks, des Tliuringiens et des Hessois. On le retrouve dans le thorpe des anciens Saxons et des Anglais et dans le t07’p des Scandinaves, qui se change, en Danemark, en (rup, dnip, rup  ; mais, dans ce dernier pays, ce sont les établissements secondaires qui ont cette terminaison, et, en Suède, torp signifie même aujourd’hui les cottages, toutes les petites maisons situées à la campagne. Dans le Nord Scandinave, le nom de village et de ville est by, changé en bue, bœuf, buf dans la Normandie  ; le village à l’origine était VAdelby, sur les terres incultes duquel furent fondés les Torp. Le by même (originairement byr  ; bur, biiren, beueren, bauer chez les Anglo-Saxons, Frisons, Saxons, Souabes) est cependant aussi dérivé de bo, habitation, bod chez les Celtes, et revient, sous cette forme, là où il n’y a pas de villages, comme bœr, par exemple, dans l’ancienne Islande.

Une terminaison caractéristique c’est ingen, qu’on retrouve chez les Alamans depuis la Bavière jusque dans la Lorraine et dans le bas Rhin, partout où ils colonisèrent soit seuls, soit, pendant quelque temps, comme alliés des Franks  ; c’est igné, igny en France, On la retrouve chez d’autres peuples, sous