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DUPIN


coup d’État. C’est pendant qu’il était préfet de la Somme qu’il donna, aux classes indi- gentes de son département, le conseil de se conduire prudemment eu mariage afin d’évi- ter la misère, tout en signalant l’insufli- sance des secours publics pour soulager leur sort. Ces idées furent vivementcritiquées par le clergé du diocèse et par la presse parisienne. Dunoyer n’était pas homme à se taire. Il répondit, aux ims et aux autres, par une brochure, en 183o. Au clergé, il montra, qu’avant Malthus, des pères de l’E- glise comme Lactame avaient recommandé la prudence en mariage  ; aux socialistes, il opposa les premiers communistes réglemen- tant cruellement le chifTre de la population.

Ses discussions avec Cousin, à l’Académie des sciences morales et politiques, eurent un certain retentissement. Toujours fidèle à sa méthode d’étendre la science des sociétés, il empiéta sur le domaine de la philosophie et de l’histoire. Cousin, quoique éclectique, n’admit point cette prétention et défendit le terrain philosophique que son éclectisme avait rendu fort vague d’ailleurs. Dunoyer ne se laissa pas entamer, et ses conclusions sur ce point, loin d’être rejetées aujourd’hui, ont été reprises par les écrivains qui s’es- saient dans la tâche difficile de constituer la sociologie.

Il publia successivement  : Vlndustrie et la morale considérées dayis leurs rapports avec la liberté (1825)  ; ouvrage refait en 1830 sous le titre de ?!oui-eau traité d’Économie Sociale, et perdu dans un incendie au moment de la mise en vente  ; — Esprit et méthodes compa- rées de l’ Angleterre et de la France dans les entreprises des travaux publics (1840)  ; — De la liberté du Travail, ou simple exposé des con- ditions dans lesquelles les forces humaines s’exercent avec le plus de puissance (1845, 3 vol., nouvelle éd. 188o).

A. L.

DUPIN (Claude), le célèbre fermier général, naquit àChàteauroux vers la fin du dix-sep- tième siècle et avait commencé par servir dans le régiment d’Anjou. Il mourut à Paris en 1769.

SesQEcoNOMiQUEs(3vol. 1745) prétendument imprimées à Carlsruhe, furent en réalité et malgré la vue de Carlsruhe qui s’étale en frontispice, imprimées à Paris, mais sans nom d’auteur, à un très petit nombre d’exemplai- res presque tous détruits par crainte de la police, et avec une telle précipitation que le premier volume n’est même pas paginé. Dans celui-ci figure le Mémoire sur les Bleds, publié à part en 1748 et réimprimé dans le Journal Economique de février et de mars 1760  ;


le second volume renferme un traité d’admi- nistration financière et une description au point de vue administratif des trois Évèchés et de l’Alsace  ; le troisième un Discours géné- ral sur la levée des impositions et autres droits dans lequel Dupin pose au nom de l’équité naturelle le principe de la proportionnalité de l’impôt.

Dupin a le mérite d’avoir, avant la pu- blication en 1755 de l’Essai sur la Police gé- nérale des grains de Herbert, défendu l’inau- guration d’une politique plus libérale. Quoi- qu’il écrive  : « Si le commerce des grains était constamment libre, ils ne manqueraient jamais », il ne s’enhardit pourtant pas à pousser jusqu’aux dernières déductions lo- giques de son principe et, dans ie Projet d’ Edit qui accompagne le Mémoire, il se contente de réclamer la liberté intérieure et la liberté de l’exportation quand les prix sont inférieurs à douze livres par sac, tandis qu’à l’entrée il propose une véritable échelle mobile. Cependant il se rend très bien compte des efTets nuisibles de la réglementation, lui qui s’écrie  : « Quelle autorité est capable de faire exécu- ter ces précautions ? Elle y a échoué toutes les fois qu’elle l’a tenté  ; l’esprit de l’homme a plus de ressources quand il est question de faillir que la loi n’a de prudence pour l’em- pêcher de mal faire. »

Les (Economiques sont semées de réflexions, qui dénotent chez Dupin une vue très nette du rôle de la monnaie, ainsi que des avanta- ges et des conditions d’existence du commerce. L’ouvrage étant à peu près introuvable, il sera peut-être opportun d’en citer quelques- unes. <( Jamais personne n’a tiré de l’argent d’un État sans lui en avoir fourni la valeur eu denrées ou en marchandises  ; il est à croire que cette marchandise était nécessaire à celui qui l’a achetée par la seule raison qu’il l’a achetée. ... L’argent doitêtre considéré comme marchandise. On ne doit jamais arrêter sa course  ; plus elle est rapide, plus il rapporte  ; celui qui sort en fait rentrer  ; celui qui rentre en fait sortir. Telle est la mécanique du commerce  : s’y opposer, c’est en ignorer les principes, c’est le détruire. » Dupin ne pensait pas avec Montaigne que le profit de l’un fait la perte de l’autre  : « Il est de l’in- térêt d’un État que les États voisins soient riches.. . Un marchand qui ouvrirait boutique dans une ville de mendiants, ne vendrait rien... C’est une grande erreur, une erreur in- vétérée dans le commerce, peut-être même dans l’esprit de ceux qui tiennent les pre- mières places, que nous pouvons nous passer de nos voisins et qu’ils ne sauraient se passer de nous  ; plus notre climat est fa- vorisé du ciel, plus nous avons besoin d’eux


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