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ÉCONOMIE RURALE


et leur position est devenue encore plus difficile parce que la perte est arrivée aussi vite et qu’ils ont perdu souvent la plus grande partie de leur capital d’exploitation. Enfin ce sont les propriétaires qui subissent la plus grande perte dans la rente des terres et dans la valeur des propriétés. 11 est vrai que la plus grande partie des valeurs mobi- lières, rentes d’État et autres valeurs, rappor- tent aussi maintenant beaucoup moins, plus de 16 0/0 de moins comparativement aux années qui précèdent 1883. La valeur des terres a diminué encore plus qu’elle ne devait d’après la diminution de la rente  ; en effet, on ne compte plus comme autrefois sur une hausse continue de la rente  ; on n’est donc plus satisfait si le capital rapporte le même intérêt qu’autrefois.

On a autrefois regardé les fermiers anglais comme les premiers de l’Europe pour l’intel- ligence et le savoir pratique  ; maintenant on les regarde plutôt comme arriérés dans leurs méthodes qui ne sont guère adaptées aux exigences des circonstances qui se sont modifiées. Il est vrai que ni le climat ni la distribution de la propriété ni les habitudes ne permettent d’adopter les cultures et les productions qui souffrent surtout moins de la concurrence d’outre-mer que ne le font le froment et la viande. Tout de même, surtout les cultivateurs qui possèdent une expérience coloniale reprochent, probablement avec raison, aux fermiers anglais de ne pas savoir changer de méthodes et de productions assez vite d’après les conjonctures. Un des progrès récents sur lequel tous paraissent d’accord, c’est une meilleure organisation, avec moins de dépenses causées par les intermédiaires, pour la vente des produits des fermiers aux consommateurs des grandes villes. Mais même avec de grands progrès, la dépression de la propriété terrienne anglaise est loin d’être surmontée. Autrefois, la Grande-Bre- tagne était l’exemple le plus remarquable de la tendance de la rente de la terre à s’accroître  ; exemple que Ricardo a si for- tement mis en lumière  ; maintenant, elle est un exemple frappant de l’inUuence énorme qu’exerce sur la rente le progrès, représenté ici par la diminution des frais de transport, et par le développement que l’extension de la colonisation a donné à l’agriculture.

C’est surtout par une conséquence du changement de culture que le nombre des personnes qui vivent de l’agriculture en An- gleterre, tant fermiers qu’ouvriers, a diminué, de 1870 à 1891, d’un million. L’Angleterre, encore dans la première partie du siècle dernier, était un pays essentiellement agri-


cole. A présent, on n’y compte plus qu’un septième de la population qui se consacre à l’agriculture. Et c’est une conséquence du caractère de l’agriculture, que même dans ce pays de grandes fermes, il n’y a en moyenne que quatre ouvriers pour un culti- vateur entrepreneur. L’agriculture n’y est plus maintenant qu’une industrie comme une autre.

14. L’ile de Man et les iles Normandes.

L’île de Man et les iles Normandes, ces der- nières surtout, méritent une mention parti- culière. Dans l’île de Man, les possesseurs de terres d’une étendue de 20 à 100 acres, population d’origine mixte celtique et Scan- dinave, sont presque des propriétaires. Le seigneur de l’île, lord Derby, essaya, en 1043, de les changer en tenanciers ordinaires, leaseholders, pour 21 ans, mais fut, en 1707, forcé (ce qui fut confirmé, en 1777, par un acte voté par l’Assemblée nationale, 24 keys formant le Tynewall) de reconnaître leur ancien droit à la possession, moyennant re- devances minimes, avec droit de vente. No- minalement, la couronne, à laquelle le duc d’Athol, l’héritier, par mariage, de lord Derby, a plus tard transféré ses droits, est propriétaire  ; mais les possesseurs le sont en fait. On dit qu’ils ont obtenu le même droit qu’on a voulu donner aux tenanciers irlandais en 1883  ; ils ont en réalité davan- tage. Leur situation est bonne, et on y relève spécialement la facilité pour les ou- vriers d’arriver à devenir possesseurs, plus grande ici qu’en Angleterre. Voyez, pour les crofters écossais dans les îles et dans d’autres régions, où l’on est allé, dans la Grande-Bretagne même, jusqu’à rado])tion de lois agraires limitant le droit de propriété  : l’article Lois agraires.

Les iles Normandes, Jersey et Guernesey, offrent spécialement un exemple intéressant de petits propriétaires et de petite culture dans une heureuse situation, avec une pro- duction énorme, souvent d’une moyenne de 2000 francs par acre, une haute valeur de la terre et un bien-être général. Les 20 000 acres de Jersey sont distribuées entre 2 oOO proprié- taires à raison de moins de 8 acres par per- sonne, et ce n’est que dans les dernières années qu’un nombre considérable d’ouvriers immigrés de la Bretagne ont commencé de cul- tiver comme fermiers, de sorte que les pro- priétaires-cultivateurs sont devenus la mino- rité. Guernesey est encore plus morcelée, à raison de moins de ’6 acres par propriétaire, et elle a une agriculture encore plus développée, l’île étant, en grande partie, couverte par des serres pour la culture jardinière. Lorsque


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