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GRESHAM


argumentation, destinée à établir que les impôts n’étaient pas excessifs en France à son époque, sur le fait de la dépréciation des métaux précieux à la suite de la décou- verte des mines d’Amérique. « Vous me direz, écrit-il, que pour cinq écus on avait jadis vingt setiers de bled, mais vous ne me dites pas que pour avoir cet argent, il vous fallait tout ce bled. Pour faire donc un habit de velours à un escu l’aulne, comme il était alors, il vous y fallait employer vingt setiers de bled. Vous n’en dépensez pas maintenant plus de quinze  ; qui l’a donc à meilleur marché  : nous ou les anciens? » Il expose très claire- rement les motifs qui ont fait prendre l’or et l’argent comme matière monétaire  : leur divisibilité, leur grande valeur sous un petit volume et leur inaltérabilité  ; il discerne aussi l’influence favorable au débiteur et nuisible au créancier qu’exerce l’affaiblisse- ment de la valeur des métaux précieux et ce que l’idée de prix a toujours de relatif.

Tout en soutenant que « le prix de l’argent, quoiqu’il mesure le juix des autres choses, change, accroît et diminue suivant l’abon- dance et la variété », nous le voyons repren- dre ailleurs l’ancienne théorie des canonistes du moyen âge, que « la monnoye n’emprunte point sa valeur de la matière dont elle est composée, mais bien de la forme, qui est l’image ou la marque du prince, laquelle étant empreinte en quelque autre sujet, pour si vil et abject qu’il soit, ne laissera de lui donner sa valeur ». Malgré cette contra- diction, Gramont peut être considéré comme un disciple de Bodin en matière monétaire.

Bibliographie.

Gramont a (■le d’tudié rcroniniPiit par un (’eonomiste ita- lien, M. C.-A. Conigliani, dans un article L’mimento appa- rente délie spese pubbUcfie e il Denier royal inséré dans le Filanfjicri {^[\\^n 1890). Dans son Dictionnaire historique, Bayle reproduit l’éloge que Naudé, son contemporain, a fait des connaissances financières de Gramont.

GRESHAM (sm Thomas), célèbre financier anglais, fondateur du Royal Exchango et de Gresliam Collège, né à Londres en 1510, mort en 1579.

Fils de sir Richard Gresham, riche négo- ciant et lord maire de Londres, sir Thomas Gresham apprit, après de fortes études à Cambridge, tous les secrets du commerce chez l’un de ses oncles qui occupait une haute situation dans le monde des affaires. Au bout de plusieurs années d’apprentissage il fut reçu, en l."J43, membrede la Mei’cer’s Company et sut rendre aux Pays-Bas d’importants services au gouvernement de son pays. Il contracta auprès des négociants d’Anvers un emprunt au nom de l’Angleterre et réalisa,


lors de cette mission, de grandes économies qui lui gagnèrent la faveur du roi Edouard VI. Les services qu’il rendit à la reine Marie furent aussi largement rétribués, mais ce fui surtout sous le règne d’Elisabeth qu’il sut se distinguer et qu’il arriva aux plus l)auts honneurs. Ayant reçu le titre de marchand royal, il fut chargé d’une amliassade auprès de la duchesse de Parme et fut créé baronnet en IriKO.

En lo6a Gresham construisit à ses frais un lieu de réunion pour les commerçants de Londres  ; en 1569 les portes de cet édifice étaient ouvertes, et en lo701areine elle-même proclamait, solennellement, la fondation du Royal Exchange.

Gresham régla, dans son tesmament, la fondation d’un grand collège qui devait être installé dans la somptueuse demeure qu’il s’était fait élever à Londres. Sept chaires (théologie, médecine, astronomie, géométrie, etc.) y furent créées par ses soins et riche- ment dotées par lui.

L’influence de Gresham sur la gestion financière de l’Angleterre fut grande et bien- faisante.

En 1 o60, ce fut sur ses conseils que la reine Elisabeth ramena à leur véritable valeur les monnaies qui avaient été altérées par Henri VIII.

Le gouvernement anglais avait coutume de faire appel aux étrangers quand il s’agissait de contracter un emprunt, et Gresham, chargé à plusieurs reprises de semblables négo- ciations, parvint à persuader à Elisabeth de s’adresser à ses propres sujets et régla lui- même les conditions de ces emprunts.

Le nom de Gresham est également resté attaché à un principe économique connu depuis longtemps mais qu’il fut l’un des premiers à formuler. D’après cette loi, qui ne saurait avoir la rigueur absolue d’une loi physique ou chimique (V. le mot Monnaie), la mauvaise monnaie chasse la bonne, mais la bonne monnaie ne peut chasser la mauvaise. C’est ce qu’en France Nicolas Oresme avait, au xiV’ siècle, exprimé en disant  : «la bonne monnaie disparaît de tout pays où l’on fait des empirances. »

Lorsque de nouvelles pièces sont émises, elles sont, à cause de leur poids en métal fin, retirées de la ciculation par des commerçants qui spéculent sur le métal, trient les monnaies et font le commerce du change (V. ce mot)  ; pour eux, la monnaie est une marchan- dise qui vaut plus ou moins selon son poids, tandis que pour le reste du public elle n’est qu’un instrument d’échange. Ceux qui trient la monnaie se servent des pièces usées pour leur paiement et ainsi la mauvaise monnaie


AMll/