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bohm et Fustel de Coulanges  ; il n’est même pas probable, comme le veut Denman Ross, que cette classe ait, chez les anciens peuples teutoniques, formé la majorité.

5. Fermes paysannes.

Partout, mais surtout chez les nations de race teutouique, on trouve la masse des terres distribuées en fermes paysannes, contenant ce que peuvent cultiver un homme et sa famille avec une paire d’animaux de trait. Seebohm regarde cette distribution comme la plus forte démonstration de la généra- lité de la dépendance, à l’origine  ; il croit qu’elle ne peut être faite que par la loi. Au contraire, là où nous la trouvons, nous savons que les paysans ont été libres  ; elle est plutôt le témoignage d’une origine géné- ralement libre. Du reste, l’étendue de la ferme diffère considérablement  ; elle n’est même pas universellement la même en Angleterre, comme l’a voulu Seebohm  ; elle est identique dans le même village dans lequel les terres étaient distribuées également à tous les membres participants de la communauté  ; elle diffère nécessairement entre les villages. La ferme ordinaire est mentionnée pour la première fois dans le testament de l’abbé Perpetuus, i’60, puis dans les lois des Visi- goths, 620. C’est le manse que l’on trouve en France non-seulement dans le Nord-Ouest où règne le système des villages, mais même notamment chez les Visigoths  : ceux-ci, quoi- qu’ils eussent conservé les fermes celtiques ou romaines isolées, paraissent avoir rapporté le principe de la manse de leurs anciens pays et avoir même redistribué les terres pour l’ins- tituer. Pour donner une idée des manses, on peut noter quels étaient les bestiaux sur un manse ordinaire des Franks ripuaires  : 12 ju- ments et un étalon, 12 vaches et un taureau, six truies et un verrat, et chez les Franks saliens :7-12 chevaux, 10-12 bœufs, C-2o ou même oO porcs et 40-50 ou 0O-6O moutons. Ceci prouve bien qu’une telle ferme était celle d’un homme indépendant. Le inanse est la base de l’organisation de l’armée de Charle- magne. En Angleterre, le yardhmd ou virgate est la mesure ordinaire, le plus souvent 30 acres  ; deux borates ou oxgangs forment un yardland  ; quatre yardlands forment une hijde ou canicate, qui serait donc le plus souvent de 120 acres. Seebohm a cru, parce que cette superficie était labourée par des charrues attelées de huit bœufs, que cha- que petit cultivateur y contribuait avec deux bœufs  ; mais Vinogradof a montré que c’est un des cas où l’auteur conclut trop facilement d’exemples particuliers  : ce n’était pas la manière générale de cultiver les fermes, et


leurs parts sont aussi d’étendue différente. On parle aussi des halfyerdlings ou cultiva- teurs de demi-yardlands et des farlings ou cultivateurs de quarts de yardlands, etc. En Allemagne, le nom général est Hufc, huoba, hoba, y.r,-o  ; en grec, et les auteurs, MM. Mùl- Icnhoff et Meitzen, veulent le faire dériver du mot « besoin », Behitf,enle distinguant du Hof,une ferme. Dans les langues Scandinaves, en tout cas, le même mot est employé pour ferme et terre normale, le Gaard. On appelle aussi la mesure ordinaire bol, en danois, en frison et en anglo-saxon  ; aussi buttel dans le bas-allemand  ; buht dans l’ancien haut- allemand. En Suède, on a encore le hemman (le home) ou mantal (nombre des parts d’un homme) comme base de l’ancien impôt fon- cier, comme autrefois les bol en Danemark  ; dans les anciennes parties du pays, il y a 40 000 de ces unités qui existent encore. On a encore indiqué la ferme par des mots équiva- lents au latiu sors, soit parce qu’on distribuait les terres par voie de tirage au sort, soit sim- plement dans la signification de part  : lot en Angleterre, Lod encore en Danemark, pour toute la terre d’un paysan  ; des mots équiva- lents à « part », Del, dans le nord Scandinave et en Angleterre, theel dans les Pays-Bas, où une autre explication du mot iheelbauer est probablement erronée. Le mot Scandinave Gaard, qui est de même origine que le yard anglais, le garth sur les côtes de la mer du Nord, et qui se retrouve même dans le mot français «jardin », ainsi que dans quelques mots celtiques et dans le slave gorcd ou gard, désignant une place enclose ou forte, signifie encore aujourd’hui et la place enclose et la ferme et les terres de cette ferme, c’est- à-dire, dans le village, sa part dans les champs communs. Le Bondcgaard est la ferme paysanne, le Gaardmand, le paysan de la classe moyenne ordinaire.

En Allemagne, M. ^Vaitz regarde 30 Morgen ou 15 hectares comme la mesure la plus géné- rale d’une ferme, mais il l’indique, pour d’autres régions, comme étant de 15, 20, 60 Morgen. La Hufe rhénane parait être le plus souvent lo hectares, mais elle est parfois aussi de 38, les fermes de Brandebourg et de la Silésie de 17 à 18, celles de la Prusse sous les chevaliers teutoniques, de 17,5. Les fermes laissées aux Slaves en Allemagne après la conquête, avec leur itncus ou araire au lieu de Varatrum ou charrue allemande, sont seulement la moitié ou les deux tiers de la ferme allemande ordinaire, c’est-à-dire de 9 à 11 hectares. M. Lamprecht croit que cette étendue est même partout plus restreinte que l’étendue ordinaire chez les paysans dé- pendants, sur les propriétés seigneuriales.


RURALES (