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acquis à la Nation les biens des « ci-devant fermiers généraux »  ; les biens personnels des ecclésiastiques déportés et ceux des diverses autres catégories de condamnés fu- rent successivement attribués à l’État.

Le compte de ces biens est impossible à faire ; tel était le désordre alors régnant que nous n’avons aucune base, même approximative.

Enfin M. Stourm [Finances de l’ancien rétjinte et de la Révolution) croit que les seuls biens enlevés au clergé, au domaine royal et aux émigrés qui ne faisaient qu’une partie des biens nationaux s’élevaient à o milliards et demi d’immeubles et à 250 millions pour les valeurs mobilières. Que firent de ce gros ca- pital les gouvernements delà Révolution?

ni. QUEL EMPLOI REÇURENT LES BIENS NATIONAUX.

En principe ils étaient destinés à être ven- dus, puisque les besoins du Trésor avaient été le prétexte de la confiscation des premiers biens saisis, ceux du clergé et un décret du 14-17 mai 1790 ordonna la mise en vente de 400 millions de ces biens. Nous ne connais- sons pas assurément les résultats de cette première vente, mais ce que l’on en sait montre que les biens se vendirent facilement et à bon prix. Le roi était encore sur le trône et rien n’étant changé extérieurement, la confiance était encore entière dans la po- pulation des campagnes et c’est parmi elle que se trouvèrent les acheteurs. Les biens mis en vente étaient surtout des immeubles ruraux et quantité de petits propriétaires, fermiers, métayers, avaient, malgré les pré- jugés en cours aujourd’hui encore sur tami- sera des paysans avant 1789, des économies qu’ils s’empressèrent d’employer. Ceux qui en avaient déjà, et ce fut le plus grand nombre, s’agrandirent. Un certain nombre de fermiers et métayers saisirent cette occasion de deve- nir propriétaires. L’Assemblée anticipant sur le résultat des ventes avait créé des assigna- tions sur ces biens (d’où leur nom d’assi(j7iatsj qui lui servirent de monnaie et devaient rentrer en payement des immeubles vendus. Mais ce résultat heureux ne continua pas. Dès l’année suivante (1791) un député, Mon- tesquiou, constatait devant l’Assemblée que les biens nationaux ne trouvaient plus acqué- reurs. C’est que la situation politique deve- nait troublée, que l’inquiétude était dans les esprits  ; les assignats miiltipliés sans mesure se dépréciaient, de plus la première mise en vente avait épuisé beaucoup de petites bourses et la crainte fermait les autres. Il ne restait plus pour acheteurs que des spé- culateurs qui entendaient bien se couvrir des risques qu’ils courraient par l’étendue des


profils, et comme il fallait vendre quand même parce que les impôts rentrant peu et mal, la vente des biens nationaux était la principale et presque la seule ressource du trésor, les prix des immeubles descendirent à des taux dérisoires  : on payait un château en vendant le plomb de la toiture ou la grille d’entrée. Le député Bourdon (de l’Oise) put citer à la Convention l’exemple d’une ferme valant .ïOOO livres (c’était la sorte de biens la plus facile à vendre), payée avec la vente d’un cheval.

De plus, les immeubles étant payables en plusieurs termes elles assignats avec lesquels on ne manquait pas de payer baissant tou- jours de valeur, les dernières annuités ne représentaient que des versements infimes. C’est ainsi que M. Léon Say a pu citer à l’Académie des sciences morales, dans une étude sur les assignats, le fait d’un domaine qui, vendu un million (prix nominal), ne rapporta effectivement que 1500 francs à l’État. Malgré des prix aussi tentants, les ache- teurs faisant défaut, on imaginait toutes sortes d’expédients pour les attirer ; c’est ainsi qu’un décret du 18 avril 179o décida que « les mai- sons et bâtiments nationaux seraient aliénés par voie de loterie à raison de oO livres le billet». A cette date 50 livres en assignats ne représentaient pas une livre en argent. Un autre décret du 31 mai de la même année décida que les immeubles nationaux quel- conques seraient adjugés sans enchère contre le payement en assignats de 75 fois le revenu de 1790. Les assignats valant alors moins du centième de leur taux nominal, c’était offrir les biens pour moins d’une année de revenu.

Les meubles rapportèrent moins encore que les immeubles, d’abord à cause des dé- tournements dont ils furent l’objet. On con- naît le vol du Garde-meuble accompli à Paris même ; combien les détournements n’étaient- ils pas plus faciles dans les petits endroits où quelques tyrans locaux régnaient en maîtres absolus, disposant de la vie et des biens de leurs compatriotes ? « Un grand nombre d’effets précieuxremplissant les mai- sons royales ont disparu, disait en l’an II, le député Grégoire à la Convention. Il y avait beaucoup de meubles massifs en or et en ar- gent, nous n’en avons retrouvé aucun. » Ou bien on retrouva des pierres fausses à la place des joyaux de prix. Pour l’argenterie des églises, il n’en alla pas autrement. L’As- semblée Constituante avait prescrit qu’on laissât dans les édifices religieux ce qui était nécessaire au culte, la Convention ordonna de tout envoyer à la monnaie, mais nul con- trôle ne présida ni aux saisies qui furent


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