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le « coût » des « frais de la production ». Cairnes paraît en outre avoir eu la percep- tion, du moins partielle, de la distinction à introduire entre Faction des forces écono- miques, selon qu’elles se déploient pendant des périodes d’une durée longue ou courte  ; cette distinction, depuis étudiée à fond par M. le professeur Marshall, se traduit par la différence qu’il établit entre la valeur du marché et la valeur normale. Elle sert égale- ment de base à sa théorie des « groupes non concurrents » et explique pourquoi certaines occupations n’atteignent que plus tard au point de vue des avantages économiques le niveau atteint auparavant par d’autres occu- pations. Pour lui, dans la hiérarchie sociale, les couches voisines sont seules accessibles aux influences qui déterminent le passage d’une occupation aune autre. Quelque élevée que soit, en tant que classe, la rémunération des médecins ou des hommes de loi, la classe des charpentiers par exemple, ne lui fera jamais concurrence  ; par contre, si les salaires des plombiers > "élèvent considérablement, on verra un certain nombre de charpentiers em- brasser leur métier. Autrement dit, ces deux derniers groupes sont concurrents, les pre- miers ne le sont pas. Cette opinion, exprimée par Cairnes en termes trop tranchés, n’offre que peu d’intérêt pratique dans un état social gradué et continu, où, de haut en bas, chaque couche se perd insensiblement dans la couche voisine. Son autre principale contribution à la science économique est sa « théorie du coût comparatif », servante déterminer les valeurs internationales. Par coût il entend les « sa- crifices subis par les producteurs » et non leurs dépenses en salaires, etc., et par coût comparatif <( les coûts respectifs dans chaque pays de tous les produits qu’ils échangent et non le coût du même produit dans les pays se livrant à l’échange ». On étudiera encore avec fruit toute cette partie de son œuvre  ; du reste sa pensée robuste et claire nous enseigne en général la circonspection, même dans les parties où les progrès scientifiques réalisés depuis cette époque Tout absorbée ou dépassée.

Comme critique, Cairnes était quelque peu raide, agressif et sec ; s’il se méprenait sur le sens d’un auteur, son impitoyable logique l’entraînait parfois à l’injustice. Ses objec- tions contre les théories de l’Utilité de J.-B. Say et de Jevons portent à faux en tant qu’elles s’adressent à ce dernier  ; il fut toujours im- possible à Cairnes de comprendre que, pour Jevons, la valeur est déterminée par l’utilité finale ou marginale de la dernière limite des derniers accroissements et il argumente tout le temps comme si Jevons avait eu dans l’esprit


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l’idée de l’utilité totale au lieu de celle de l’uti- lité finale. Dans la livraison d’avril 1876 de la Fortnighthj Rcview, M. Marshall a soutenu que le sens attaché par Mill à sa théorie du coût de la production au point de vue de la valeur, a échappé à Cairnes et « qu’il était resté plus en deçà de la vérité que Mill lui-même ». Le manque de précision de sa conception de la demande explique tout particulièrement son appréciation imparfaite de Jevons, le grand analyste de la demande. Il continua à défendre la théorie du fonds des salaires, après même qu’elle eût été abandonnée par Mill, mais ses efforts demeurèrent inf ructu eux  ; il aurai t fallu plus que des réparations partielles et rebâtir en entier l’édifice antique, tout en employant les matériaux primitifs pour ce travail de réédificalion. Poussé parles craintes que lui inspirait son adhésion à la loi des rende- ments agricoles décroissants et son accepta- tion, même mitigée, de la théorie du fonds des salaires, Cairnes conclut « qu’aucune amélioration marquée du sort de l’ouvrier ne sera possible tant qu’il ne recevra que des salaires pour vivre... La coopération pourra seule le tirer d’un état d’irrémédiable dé- tresse », car les profits qui lui seront attri- bués, iront alors grossir le fonds des salaires. Pour les appréciations de ses amis, voir The Times, 9 juillet 1875 (article de M. Léo- nard Courtney Fawcett dans la Fortnighthj Rcview d’août i87o) et l’article Cairnes de M. Leslie Stephen dans le Dlctionary of Natio- nal Biofjra’phij. Voir aussi Cliffe Leslie (son collègue), Essajjs in Political and Moral Philoso- phy, 1888. Cessa [Introduction tothe Studies of Political Economy) affirme que Cairnes a beau- coup suivi les idées de M. Cherbuliez.

He.nry Higgs.

CAMBON (Pierre-Joseph), né le 17 juin 17o6 à Montpellier, mort à Saint-Josset-en-Noode près Bruxelles le lo février 1820.

Fils aîné d’un riche commerçant en toiles de coton de Montpellier, qui l’avait associé tout jeune à ses affaires, et lui laissa bientôt la direction de sa maison, Cambon dut à son i-enom de loyauté d’être nommé officier mu- nicipal de sa ville natale, et en 1 789 élu député suppléant aux états généraux. Réélu deux ans après membre du Corps législatif, il devint un des assidus de la commission des finances. Républicain ardent, il se signala bientôt par ses propositions violentes, telles que le séquestre des biens des émigrés, et la guerre contre l’Autriche et la Prusse. Becquey lui demandant alors  : « Vous voulez faire la guerre, où sont nos ressources? — Vous ne les connaissez pas, monsieur, s’écria Cambon, nous aurons de l’argent tant et plus qu’il ne


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