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taxes. Le prix moyen de la tonne kilomé- trique, qui avait été supérieur à G centimes jusqu’en 187!j et qui était encore de oc.99 en 1883, n’est plus que 5c. 32. Mais ces efforts n’ont obtenu qu’un succès relatif. En effet, le tonnage transporté sur le réseau d’intérêt général atteignait 80 millions de tonnes en 1883, et il ne s’est élevé qu’à 1»7 millions de tonnes en 1894 ; d’une date à l’autre la recette a passé de 664 millions de francs à 680. Ainsi en onze ans, malgré un accroissement de plus d’un tiers dans la lon- gueur exploitée, le tonnage n’a auL’menté que de 10 p. 100 et le produit brut de la petite vitesse que de 2 p. 100.

7. Causes de leur stagnation.

Quelles sont les causes de cette stagnation? Les ravages que le phylloxéra a exercés dans nos vignobles et les pertes immenses qu’il a causées y ont assurément contribué, mais le ralentissement du transport des marchandises par voies ferrées est surtout dû au nouveau régime économique que la France .-’est donné et à la concurrence de la navigation intérieure. D’une part, en effet, notre système douanier, inspiré par des idées protectionnistes, ralentit l’activité des échanges en gAnant les relations indus- trielles et commerciales avec les nations étrangères  : son but est de pousser le pays à se suffire à lui-même, et il est évident que des marchandises produites et consommées en dedans de nos frontières ont à parcourir de moindres distances, que si elles étaient en partie remplacées par des marchandises venant de l’étranger ou donnant lieu à une plus forte exportation. D’autre part, les améliorations qui ont été apportées aux con- ditions de navigabilité de nos rivières et de nos canaux, ainsi que la suppression des droits de navigation, ont permis au tonnage des voies navigables d’augmenter de moitié depuis 1880 ; il a représenté 27 millions de tonnes en 1894, tandis qu’il ne dépassait pas 18 millions de tonnes quinze ans auparavant. Il n’est pas douteux que si les marchandises transportées par eau avaient à acquitter une faible taxe, calculée de manière à couvrir l’État de ses frais d’entretien, la concur- rence des rivières et canaux serait moins redoutable pour les chemins de fer.

8. Accroissement de la garantie d’intérêt.

Les nombreuses ouvertures de lignes ferrées qui ont eu lieu depuis 1883 ont imposé des charges considérables à l’État, du chef de la garantie d’intérêt. Pendant long- temps, alors que l’on construisait des chemins de fer répondant à des besoins


réels, celle-ci s’était tenue à des taux modérés. Avant 1880 quatre compagnies seulement y avaient eu recours pour des sommes annuelles variant entre 20 et !i0 millions ; celles du Nord et de Lyon ne l’avaient jamais invoquée. En 1881 et 1882, la com- pagnie de l’Ouest eut seule à réclamer à l’État une dizaine de millions ; celles de l’Est, du Midi et d’Orléans commençaient à lui rembourser les avances qu’il leur avait faites. Mais comme les lignes nouvelles sont très pou productives, que beaucoup d’entre elles couvrent à peine leurs frais d’exploita- tion, les choses changèrent à partir de l^><4. Sauf la compagnie du Nord qui a continué a pouvoir se passer de la garantie, les autres grandes compagnies y firent appel et, dès 1885, elles lui demandaient 72 millions, portés pour 1886 à 82 millions. La garantie a atteint en 1893 le chitfre maximum de 97 millions, mais ensuite elle a décru d’une façon sensible, et a été réduite à 77 et 60 mil- lions pour 1804 et 1895. Le montant de la garantie n’en a pas moins ’en douze ans, de 1884 à 1805) formé un total de 785 millions, pour les cinq compagnies qui avaient eu à demander des avances à l’État, et encore faut-il ajouter à ce capital de 785 millions plus de IGO millions d’intérêts. On voit à quel point rachèvement du troisième réseau est onéreux tant aux compagnies qu’à l’État.

9. Influence qu’ont exercée à ce point de vue les conventions de 1883  ; appréciation de ces con- ventions.

Le fardeau de la garantie d’intérêt est alors apparu comme un danger pour les finances publiques, et, l’esprit de parti aidant, on a reproché aux conventions de 1883 d’avoir sacrifié les intérêts budgétaires du pays aux intérêts particuliers des compa- gnies de chemins de fer. Ce reproche est aussi faux qu’injuste, car les sommes versées par l’Etat à titre de garantie ne sont pas, on l’oublie trop souvent, de purs cadeaux faits aux compagnies ; elles constituent des avan- ces remboursables avec intérêt à 4 p. 100. Les compagnies sont donc les premières intéressées à ne pas les voir grossir, et leurs efforts constants tendent à les diminuer. La plupart des lignes ouvertes depuis 1883 avaient, d’ailleurs, été concédées antérieure- ment à cette date ; leurs insuffisances ne sont donc pas imputables aux conventions qui ont été alors conclues. D’un autre côté, pourquoi les lignes en question ont-elles été construites? Est-ce sur l’initiative des com- pagnies? Nullement. Elles l’ont été parce que le gouvernement et les chambres, dans un but de popularité, ont voulu couvrir le


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