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L’AFFAIRE DE LA RUE BEAUBOURG

ménage ne vient qu’à six heures et demie me faire le café au lait et me cirer mes bottines. Je me suis lavé les pieds à l’eau froide. (Je suis comme ça.) Du reste à cette saison-ci, ça n’a rien de dangereux pour personne. Après ça je me suis mis à brosser mon gilet parce que j’ai remarqué que ma femme de ménage brosse bien mon paletot, brosse bien mon pantalon, brosse bien mon chapeau mais… Il ne m’a pas laissé achever : « Il y a six mois que ça dure, c’est trop ! a-t-il dit à voix très-basse. C’est à ce moment qu’il s’est jeté sur moi, il avait l’air gai, je croyais qu’il voulait plaisanter ; mais il m’a pris par le nez qu’il a serré vigoureusement, et il a voulu me tuer en m’enfonçant dans l’oreille une fourchette pour les huîtres ! J’ai crié à l’assassin ! » On l’a arrêté ; mais vous pouvez le condamner, il sera toujours mon ami !

Un temps.
L’AVOCAT, avec joie.

Nous remercions messieurs de la cour, messieurs les jurés, de l’acquittement à l’unanimité qui vient d’être prononcé, mais en exprimant au jury toute notre gratitude, nous posons la question subsidiaire de l’internement, par précaution, de la prétendue victime, (cela dans l’intérêt de la tranquillité publique,) et nous supplions qu’il soit statué sur cette question séance tenante.

Un temps.
L’avocat se jetant dans les bras de son client.

Il est interné, nous sommes sauvés !



FIN DE L’AFFAIRE DE LA RUE BEAUBOURG