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HISTOIRE

sommes frères par les sentiments ; vous avez peur, ne le niez pas : ce sentiment vous honore à mes yeux.

Une voiture passa en ce moment sur la route, et à la lueur des lanternes je reconnus en l’Homme que j’avais eu le malheur d’entraîner dans ma chute une de mes vieilles connaissances, le sage méconnu de l’armoire des Tuileries, qui, depuis, était devenu le plus fidèle de mes spectateurs. S’il avait le corps d’un Homme, il y avait dans les traits de son visage je ne sais quel caractère d’honnêteté et de douceur qui semblait indiquer qu’à une époque fort éloignée sans doute, il avait existé entre sa famille et la nôtre quelque lien de parenté. Il était pâle et tout effaré.

— Monsieur, lui dis-je encore, seriez-vous blessé ? Croyez que je suis au désespoir de ce qui vient d’arriver ; mais, vous le savez, on n’est pas maître de sa peur.

Il est probable qu’il me comprit, car je le vis se relever peu à peu. Je restai devant lui sans faire un seul mouvement qui put l’inquiéter, et sa joie fut grande quand il eut retrouvé en moi son acteur favori ; il me caressa d’une main, pendant que de l’autre il réparait minutieusement le désordre de sa toilette. La propreté est la parure du pauvre.

— La peur est pire que le mal, dit-il en se remettant sur ses pieds.

Ces paroles me parurent pleines de sens et de profondeur, et cédant à la sympathie que, pour la première fois,