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MÉDECINS.

vont, ou plutôt les médecins arrivent en si grand nombre, que chaque famille a son Esculape. Où allons-nous, mes amis ? que ferons-nous, lorsqu’il y aura un médecin à chaque étage, dans la cabane, sur les toits, sur les branches ? — Les études sont pénibles, coûteuses ; mais les étudiants sont intrépides. — Misère ! misère ! résultat inévitable de tant de sacrifices, récompense imprévue de tant de peines !…

« — Mais, interrompit le Vautour, vous n’êtes pas malheureux, mes maîtres. Votre prétendue sollicitude n’est qu’égoïsme, au fond, et voracité pure.

« — Et puis, chanta je ne sais quel Oiseau, il ne faut calomnier ni la misère ni la souffrance ; elles précèdent toujours le génie, sans compter qu’elles en sont parfois encore l’expiation. Quant à moi, je l’ai éprouvé — comme tout le monde : oui, la vie est dure, mais Dieu n’a pas cessé d’être tout-puissant. La neige couvrant jusqu’au brin d’herbe, et ne laissant pas apercevoir, sous toute l’étendue des cieux, la moindre graine, ne m’a pas fait douter un seul instant des fleurs et des fruits qui devaient revenir. J’ai connu la faim, et jamais le désespoir ! Qu’importe le grand nombre dont on veut nous effrayer, l’espace est encore plus grand !

« — Vive la joie ! reprit un Corbeau. La misère ! mais c’est la poésie des mansardes, comme la mansarde est le palais des étudiants. Si la vie devient demain plus difficile, demain nous monterons encore d’un étage… plus près du