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COUR CRIMINELLE

Ce fut parmi la famille des Corbeaux, à laquelle j’appartiens, que l’on choisit les juges, les avocats et la plupart des jurés de la Cour. Leurs noirs habits leur donnaient cette gravité qui masque la sottise et en impose aux ignorants, et l’on pensa qu’habitués à fouiller des cadavres, ils seraient plus aptes à signaler l’état de décomposition morale des accusés. Une Cigogne fut appelée à la présidence, dont la rendaient digne sa patience et son sang-froid. À moitié assoupie dans son fauteuil, les yeux entr’ouverts, la poitrine renflée, la tête en arrière, guettant au passage les contradictions des accusés, elle avait encore l’air d’être en embuscade au bord d’un marais.

Les fonctions de procureur général échurent à un Vautour au col tors. Ce personnage, s’il avait jamais eu la moindre sensibilité, s’en était défait depuis longtemps ; ardent, impitoyable, il ne songeait qu’à obtenir des succès, c’est-à-dire des condamnations. Il avait bec et ongles pour attaquer, jamais pour défendre. La Cour d’assises était pour lui un champ de bataille, et l’accusé un adversaire qu’il fallait vaincre à tout prix. Il allait à un procès criminel comme un soldat à l’assaut : il s’y jetait à corps perdu, comme un gladiateur au milieu du cirque. Le Vautour est, en somme, un excellent procureur général.

Les habitants des terriers, nids, taillis, trous, taupinières et marécages voisins, accoururent en foule pour assister à ces solennités judiciaires. Les Oies, les Butors,