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DE JUSTICE ANIMALE.

 
Voix des bois et des vents arrivent jusqu’à lui,
Mais en vain sur les prés la lumière ruisselle ;
Malheureux paria, la joie universelle
Semble insulter à ton ennui !

Cesse de voyager, en ton espoir frivole,
Avec tout ce qui passe et tout ce qui s’envole ;
Cesse de secouer le fer de tes barreaux.
Pour toi le sort n’a plus que terreurs et menaces ;
Ta vie est condamnée, et les geôliers tenaces
Ne te céderont qu’aux bourreaux.


Je l’avoue, Messieurs les rédacteurs, l’espèce d’enthousiasme dont ce misérable Loup a été l’objet m’inspire de tristes réflexions. J’ai entendu de malheureux Rossignols fredonner, pendant des années entières, les chants les plus sublimes, sans triompher de l’obscurité ; et, parce qu’il avait commis un crime, ce Loup voyait ses premiers essais applaudis avec transport. Je connais des Animaux de bien, des héros de vertu, auxquels on ne consacrerait pas deux lignes, et l’on entretenait pompeusement le public des faits et gestes d’un coquin. Ne vaudrait-il pas mieux dissimuler le mal, et mettre le bien en relief ? À la vérité, si l’on s’attachait à reproduire exclusivement les bonnes actions, on n’aurait parfois à expédier à ses abonnés que du papier blanc.

Repris aussitôt que le Loup put les supporter, les débats se poursuivirent pendant huit jours. On entendit vingt-cinq témoins, tant à charge qu’à décharge. Jurés, défen-