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GUIDE-ÂNE

coup plus de chances que les gens d’esprit pour arriver aux honneurs, nous ou ceux qui sont faits à notre image : songez que l’Âne parvenu qui vous adresse cet intéressant Mémoire vit aux dépens d’une grande nation, et qu’il est logé, sans princesse, hélas ! aux frais du gouvernement britannique dont les prétentions puritaines vous ont été dévoilées par une Chatte.

Mon maître était un simple instituteur primaire aux environs de Paris, que la misère ennuyait fort. Nous avions cette première et constitutive ressemblance de caractère, que nous aimions beaucoup à nous occuper à ne rien faire et à bien vivre. On appelle ambition cette tendance propre aux Ânes et aux Hommes : on la dit développée par l’état de société, je la crois excessivement naturelle. En apprenant que j’appartenais à un maître d’école, les Ânesses m’envoyèrent leurs petits, à qui je voulus montrer à s’exprimer correctement ; mais ma classe n’eut aucun succès et fut dissipée à coups de bâton. Mon maître était évidemment jaloux : mes Bourriquets brayaient couramment quand les siens ânonnaient encore, et je l’entendais disant avec une profonde injustice : — Vous êtes des Ânes ! Néanmoins mon maître fut frappé des résultats de ma méthode qui l’emportait évidemment sur la sienne.

— Pourquoi, se dit-il, les petits de l’Homme mettent-ils beaucoup plus de temps à parler, à lire et à écrire, que les Ânes à savoir la somme de science qui leur est