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PHILOSOPHE.

siens souffraient de la faim ; par un beau matin, ils prirent leur courage à deux pattes, et s’en allèrent implorer l’obligeance d’un de leurs voisins, un Cochon gros et gras, dont l’étable regorgeait de glands, d’orge et de légumes. Eh bien ! qu’arriva-t-il de cette démarche ?

RONGE-MAILLE, impatienté.

Mon Dieu ! je le sais aussi bien que toi, ce qui arriva… Réveillé par leurs gémissements, monseigneur le Cochon parut à la fenêtre de son étable et leur dit d’un ton bourru : « Quel est ce bruit et que veut cette canaille ? — La charité, s’il vous plaît, monseigneur ! répondirent-ils tous à la fois. — Allez au diable ! repartit le Cochon, je n’ai pas de trop pour moi. »

TROTTE-MENU, plus lugubre que jamais.

Et puis, le lendemain, le cadavre de Ratapon et des siens jonchaient la campagne… le désespoir et la faim les avaient tués !…

RONGE-MAILLE.

Le désespoir et la faim ?… Ne fais donc pas de poésie… c’est la mort-aux-rats que tu veux dire. Ils ont eu la mauvaise chance de tomber sur des boulettes d’arsenic ; ils les ont gloutonnement, imprudemment avalées : ils en sont morts. Quoi de plus simple !

TROTTE-MENU, avec ironie.

Quoi de plus simple, en effet, que la mort ! N’est-ce pas notre lot, à nous, à nous que menacent sans cesse et les chats, et le poison, et les piéges, et les appâts !