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VOYAGE

Hors le cas de chasse pour raison de faim publique, chacun est libre comme l’air, et d’autant plus fort qu’il peut compter sur tous au besoin.

— Voilà qui est beau m’écriai-je. Vivre seul et dans tous ! vous avez résolu le plus grand problème. J’ai bien peur, pensais-je, que les Moineaux de Paris n’aient pas assez de simplicité pour adopter un pareil système.

— Hourrah ! cria mon ami le Loup.

Je volai à dix pieds au-dessus de lui. Tout à coup mille à douze cents Loups, d’un poil superbe et d’une incroyable agilité, arrivèrent aussi rapidement que s’ils eussent été des Oiseaux. Je vis de loin venir deux kitbikts attelés de deux Chevaux chacun ; mais malgré la rapidité de leur course, en dépit des coups de sabre distribués aux Loups par les maîtres et par les valets, les Loups se firent écraser sous les roues avec une sublime abnégation de leur poil qui me parut le comble du stoïcisme républicain. Ils firent trébucher les Chevaux, et dès que ces Chevaux purent être mordus, ils furent morts ! Si la meute perdit une centaine de Loups, il y eut une belle curée. Mon Loup, comme sentinelle, eut le droit de manger le cuir des tabliers. De vaillants Loups, n’ayant rien, mangeaient les habits et les boutons. Il ne resta que six crânes qui se trouvèrent trop durs, et que les Loups ne pouvaient ni casser, ni mordre. On respecta les cadavres des Loups mort dans l’action : ce fut l’objet d’une spéculation excessivement habile. Des Loups affamés se couchèrent sous les cadavres. Des Oiseaux