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UN RENARD

la tête. — Pardon, dit-il en s’interrompant, je ne remarquais pas que vous portiez perruque.

Malgré la douceur de mon caractère, je me prêtai d’assez bonne grâce à ce qu’on exigeait de moi : peut-être même, car un sot orgueil s’introduit dans tous les sentiments humains, ne fus-je pas fâché de prouver à mes amis, dans cette occasion dangereuse, que, tout rêveur que j’étais, je ne manquais pas d’audace quand le moment et le souper l’exigeaient ; et puis, je vous avoue que ce complot, dont le souvenir seul me fait frémir, ne me semblait pas alors aussi odieux qu’il l’était réellement. C’est que je n’aimais pas encore ; et il n’y a que l’amour qui rende tout à fait bon ou tout à fait méchant. Le soir venu, nous entrâmes triomphalement dans la cour peu défendue de la ferme, et nous y vîmes, sans remords, nos victimes futures déjà presque toutes livrées au sommeil. Vous savez que les Poules se couchent habituellement de fort bonne heure. Une seule veillait encore : c’était Cocotte.

À sa vue, je ne sais quel trouble inconnu me saisit. Je crus d’abord être entraîné vers elle par une propension naturelle, et je m’en voulais de retrouver au fond de mon cœur ce vice de ma nature, que l’éducation avait tant travaillé à détruire en moi ; mais bientôt je reconnus qu’un tout autre sentiment s’était emparé de mon être. Je sentis ma férocité se fondre au feu de son regard ; j’admirai sa beauté : le danger qu’elle courait vint encore exalter mon amour. Que vous dirai-je, Monsieur ? je l’aimais, je le lui