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PRIS AU PIÉGE.

dis ; elle écouta mes serments comme une personne habituée aux hommages ; et je me retirai à l’écart, complètement séduit, pour rêver au moyen de la sauver. Je vous prie de remarquer que mon amour a commencé par une pensée qui n’était pas de l’égoïsme. Ceci est assez rare pour qu’on y fasse attention.

Lorsque je crus avoir assez réfléchi au parti que j’avais à prendre, je revins vers ces Renards altérés de sang, dans la compagnie desquels j’avais le malheur d’être compromis, et je les engageai, d’un air indifférent, à manger quelques œufs à la coque, afin de s’ouvrir l’appétit d’une manière décente, et ne pas passer pour des gloutons qui n’ont jamais vu le monde.

Ma proposition fut adoptée à une assez forte majorité, ce qui me prouva que les Renards eux-mêmes se laissent facilement prendre par l’amour-propre.

Pendant ce temps, dévoré d’inquiétude, je cherchais en vain une manière de faire comprendre à l’innocente Poulette dans quel péril elle était tombée. Tout occupée de voir s’engloutir sous leur dent cruelle l’espoir d’une nombreuse postérité, elle tendait à ses bourreaux une tête languissante. J’étais au supplice. Déjà plusieurs des compagnes de Cocotte avaient silencieusement passé du sommeil au trépas. Le Coq dormait sur les deux oreilles, au milieu de son harem envahi ; le moment devenait pressant. La douleur de celle que j’aimais me rendait quelque espoir : car elle l’absorbait tout entière ; mais je ne pensais