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SOUVENIRS D’UNE VIEILLE CORNEILLE.

pécore tout en s’en allant. Croyez-vous que les grands personnages, comme il en vient au château, soient jamais fatigués ? Ils n’ont rien à faire et volent tout doucement.

Au bout d’un instant, je vis arriver une autre Chauve-Souris. Celle-ci, n’étant encore que la troisième des Chauves-Souris de service de madame la Duchesse, était moins impertinente que la première. — Bon Dieu ! me dit-elle, la première camériste vient d’être grondée à cause de vous. Madame chantait un nocturne avec Monsieur, et dans ces moments-là elle n’entend pas qu’on la dérange : Madame vous fait dire qu’elle n’est pas visible. D’ailleurs, Madame ne reçoit que des personnes titrées, et vous n’avez point de titres.

— Que me contez-vous là ? lui dis-je ; n’ai-je pas des yeux pour voir que votre Grand Duc n’est qu’un Hibou, et que votre Grande Duchesse n’est qu’une Chouette, à laquelle ces hautes mines vont fort mal ?

— Chut ! me dit à l’oreille la Chauve-Souris qui était un peu bavarde, et parlez plus bas ! Si l’on savait seulement que je vous écoute, je serais chassée, et peut-être mangée. Depuis qu’ils ont quitté la fabrique où leur sont venues leurs premières plumes, mes maîtres ne rêvent que grandeurs ; ils meurent d’envie de s’anoblir. On parle de recreuser les fossés et les grenouillères, de refaire les ponts-levis et de redresser les tourelles, et ils espèrent devenir nobles pour de bon au milieu de tous ces attri-