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UN VIEUX FAUCON.

les difficultés que lui avait présentées la nature calcaire d’un terrain stratifié, à se creuser sous une dalle un trou fort profond.

Le digne seigneur était allié aux espèces les plus nobles de France, et comptait des Phénix, des Merlettes et des Hermines dans sa famille.

C’était un vieillard encore sec et vigoureux. Il y avait dans toute sa personne cette grâce naturelle et imposante des oiseaux de grande race, cette simple majesté qui, dit-on, devient de jour en jour plus rare ; et quand la goutte (cette maladie des nobles, qui s’est fait peuple comme le reste, et qui a eu tort) lui laissait quelque répit, il fallait l’entendre raconter ses prouesses d’autrefois ; alors sa haute taille se redressait, son œil brillait comme l’œil de l’Aigle et semblait défier le temps lui-même. — « Un jour (disait-il souvent), et c’était là un de ses glorieux souvenirs, un jour j’échappai au page qui me portait, et je chassai librement pendant toute une semaine. Ah ! j’étais le premier Faucon de France ! Aussi, quand je reparus, ma belle maîtresse fut-elle si aise de me revoir, qu’elle me baisa de toute son âme en me remerciant d’être revenu. Le pauvre page avait été grondé, mon retour lui valut sa grâce.

Hélas ! plus de chasses, plus de fêtes brillantes, plus de fanfares, plus de triomphes, plus de ces grandes dames si regrettées aujourd’hui, de ceux mêmes qui n’ont jamais pu savoir de combien elles l’emportaient sur celles d’à présent, ni par conséquent pourquoi elles sont si regrettables.