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À QUOI TIENT LE CŒUR D’UN LÉZARD.

— Je mourrai ! s’écria-t-elle ; mais il saura que je meurs pour lui.


VI.


Tel est l’empire d’une grande résolution, que cette Lézarde, qui jusque-là n’avait jamais osé regarder en face celui qu’elle aimait, se trouva, comme par miracle, à côté de lui.

Quand le Lézard vit cette jolie Lézarde venir à lui d’un air si déterminé, il se retira de quelques pas en arrière parce qu’il était timide.

Quand, de son côté, la Lézarde vit qu’il allait s’en aller, elle faillit s’en aller comme lui, parce qu’elle était timide aussi. Timide ? direz-vous. Soyez moins sévère, chère lectrice, pour une Lézarde qui va mourir. D’ailleurs, il lui en avait tant coûté devoir du courage, qu’elle ne voulut pas avoir fait un effort inutile.

— Reste, lui dit-elle ; écoute-moi, et laisse-moi parler.

Le Lézard vit bien que la pauvre Lézarde était émue, mais il était à cent lieues de croire qu’il fût pour quelque chose dans cette émotion, car il ne se rappelait pas l’avoir jamais vue. Pourtant, comme il avait de la bonté, il resta et la laissa parler.

— Je t’aime ! lui dit alors la Lézarde, d’une voix dans laquelle il y avait autant de désespoir que d’amour, et tu ne sais pas seulement que j’existe. Il faut que je meure.

Un Lézard de mauvaises mœurs aurait fait bon marché