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SOUVENIRS D’UNE VIEILLE CORNEILLE.


CHANT DE LA CARPE


« Accourez, accourez, vous qui aimez les nuits noires et les eaux limpides, innombrables tribus aux nageoires rapides et aux gosiers affamés ; vous qui aimez les rivages paisibles et déserts, les eaux sans pêcheurs et sans filets, venez ici, Animaux à sans rouge, Carpes dorées, Truites azurées, Brochets avides ; déployez vos nageoires, Mulets argus, Chirurgiens, Horribles, troupe soumise à mes lois ; venez aussi, souples Anguilles, brunes Écrevisse, et vous, reines des Ovipares, Grenouilles enrouées — Quoiqu’il ne s’agisse ni de boire ni de manger, et qu’on ne vous ait pas même offert en sacrifice… un Ciron ! rendez vos oracles ! Montrez que vous savez parler, quoi qu’on dise, et donnez votre avis à cet époux malheureux.

« Est-il ou n’est-il pas trompé ? Sa Chouette est-elle morte ou infidèle ? Sachez d’abord que si elle est morte, l’infortuné se résignera à vivre pour la pleurer ; mais qu’il se précipitera sous les eaux si elle est infidèle. »

Le monde des esprits est facile à réveiller.

Bientôt le Hibou tremblant vit ce qu’il n’avait jamais vu. À la voix de la Carpe, les têtes de tous ceux qu’elle avait évoqués sortirent successivement des eaux, et formèrent bientôt une ronde fantastique, au-dessus de laquelle d’autres rondes, composées d’innombrables Insectes, et montant en spirale jusqu’au ciel, apparurent