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DE L’AVARICE.

cet entremetteur, qui s’appelloit Gamara, vint prendre Dom-Marcos pour le mener chez Isidore. L’avare Navarrois fut ravi de la propreté et de la magnificence d’une maison où le fit entrer Gamara, et e fut encore plus quand son conducteur lui assura que c’étoit celle d’Isidore. Il y voyoit des meubles, des alcôves, des estrades, et une profusion de bonnes senteurs, qui étoient plus d’une dame de la plus grande qualité, que de la femme future d’un simple écuyer de grand-seigneur ; et pour elle il la crut pour le moins une déesse. Dom-Marcos la trouva qui travailloit à des ouvrages entre une demoiselle et une femme de chambre, l’une et l’autre si braves et si belles, que quelque aversion qu’il eût pour la dépense et pour le grand nombre de domestiques, il se fut marié avec Isidore par la seule ambition de commander à des servantes de si bonne mine. Ce que lui dit Isidore, fut si bien dit, que non seulement il plut à Dom-Marcos, mais il l’enchanta ; et ce qui acheva de lui gagner le cœur, fut une collation aussi délicate que bien servie, où le beau linge et la vaisselle d’argent répondirent aux beaux meubles de la dame qui la donnoit. A cette collation se trouva un jeune garçon bien vêtu et bien fait, qu’Isidore disoit être son neveu, qui avoit nom Augustin, et que sa bonne tante appelloit Augustinet, quoiqu’il eût plus de vingt ans. Isidore et Augustinet régalèrent Dom-Marcos à l’envi l’un de l’autre, et le servirent pendant le repas de tout ce qu’il y avoit de meilleur dans la collation ; et pendant que notre écuyer donna à son estomac mal nourri et fort affamé des provisions pour plus de huit jours, ses oreilles furent charmées par la belle voix de la demoiselle Marcelle, qui au son d’un clavessin chanta des airs fort passionnés. Dom-Marcos mangea comme