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tion de tenir compte du rapport de M. Cornuel, médecin en chef de la marine. L’homme de l’art avait courageusement déclaré que, dans l’état des choses, le séjour des casemates était mortel.

Enfin, le 11 mars 1850, les débats s’ouvrirent.

Nous allons d’abord démontrer, avec les dépositions des témoins à charge eux-mêmes, que les tristes événements de Marie-Galante ont été provoqués par une arrestation arbitraire. Tout l’intérêt du procès se concentre sur ce point. S’il est prouvé que la mesure prise à l’égard d’un citoyen qui distribuait des bulletins de vote est la cause directe des désordres, il est évident que l’accusation de complot organisé tombe d’elle-même. S’il est prouvé de plus que l’arrestation était illégale, le fait de provocation rejette la responsabilité des événements sur les provocateurs, et il détruit de fond en comble la prétendue complicité.

Nous ne sommes pas tentés d’excuser les excès, les crimes commis, mais on les a tant exploités contre les nègres, que nous voulons dire quelques mots, non pas, loin de nous cette pensée, non pas pour justifier, mais pour expliquer l’égarement des coupables. Les électeurs noirs, réunis au Grand-Bourg, voient arrêter arbitrairement et garroter un homme à qui ils accordent leur confiance ; ils ont le tort, dans le premier moment d’indignation, de demander sa mise en liberté : ils ont le tort de vociférer autour de la troupe. Comment réprime-t-on ces fautes ? En fusillant des groupes désarmés qui se bornaient à crier, qui n’avaient commis aucune voie de fait. L’autorité était dans son droit légal, elle tirait sur des hommes qui ne voulaient pas cesser de réclamer un prisonnier ; soit : mais ce droit, n’en a-t-elle pas trop cruellement usé ? Voilà la question que nous posons hardiment. Quant à nous, rien au monde ne pourra nous empêcher de soutenir qu’avec la puissance morale qu’exerce sur les anciens esclaves la présence de la troupe sous les armes, il était facile de ramener l’ordre sans effusion de sang. Ceux qui ont vu les morts sont devenus fous de colère : ils ont cru, nous disons, ils ont cru, que les blancs qu’ils savaient occupés depuis longtemps à