Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/81

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sant de retirer aux émancipés le droit de se faire représenter et de siéger à l’Assemblée nationale, dans les conseils généraux et dans ceux de la commune, que le Journal des Débats ose accuser les noirs et les mulâtres de rêver la substitution d’une race à une autre !

En vérité, les explications des Débats ne sont pas heureuses ! elles ne nous semblent pas devoir contenter personne, les colons de la Martinique moins que d’autres. En effet, il est difficile qu’ils consentent à reconnaître que la multitude qui leur a donné la majorité n’ait pas su les noms des candidats inscrits sur le bulletin que, d’après les Débats, les meneurs imposent à son ignorante crédulité. Nous ne pouvons penser non plus que, dans leur opinion, la population noire ait absolument besoin « d’apprendre à exercer avec quelque discernement les pouvoirs politiques qui ne sont aujourd’hui entre ses mains qu’une arme dangereuse pour elle-même et pour la race blanche. » Après avoir ainsi établi la nécessité de laisser une classe entière en suspicion, il n’est guère possible de proclamer l’extinction du préjugé de couleur et les progrès de la conciliation.

Aussi, avant d’aller plus loin, engagerons-nous les Débats à se mettre d’accord avec leurs correspondants, à ce sujet.

Dans une telle situation, on comprend, au reste, que ce journal, pour faire accepter ses explications malencontreuses, se soit vu obligé de rééditer toutes les déclamations des ennemis de l’affranchissement. Autrement aurait-il répété les absurdes calomnies débitées depuis deux ans contre les nouveaux citoyens ? Toutefois, il faut en finir avec ces infamies. Nous n’avons pas pris l’initiative de ces récriminations, mais puisque le Journal des Débats, continuant d’affreuses accusations, prétend que « les blancs sont menacés d’être victimes, » puisqu’il parle « d’holocaustes, d’extermination, » nous le mettons au défi, lui et ses amis, de citer le nom d’un blanc assassiné par des nègres, depuis l’abolition de l’esclavage ; nous citerons, quand on voudra, le nom d’un nègre assassiné par des blancs. Nous défions également les Débats et leurs amis de nier que dans les sinistres de la Pointe-à-Pitre, auxquels ils font allusion, les trois quarts des propriétés incendiées appartiennent à la classe qu’ils attaquent. Quant à l’émigration de quelques planteurs, fuyant l’expropriation forcée ou l’abolition de l’esclavage, et allant dans les pays à esclaves chercher un refuge contre l’une ou l’autre, nous opposons l’expatriation des familles de couleur devant les persécutions de l’administration de la Guadeloupe. Les derniers numéros de la Gazette officielle de cette île contiennent l’annonce légale de leur départ.