Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/83

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ou du moins voudront-ils en cacher l’expression pour ne pas le contrarier.


« Des crimes affreux, sans doute, ont souillé la révolution qui a délivré le peuple d’Haïti du sceptre de la métropole et de la verge des colons ; mais l’initiative de ces crimes passagers appartient tout entière aux hommes de la race blanche, à ces maîtres impitoyables, et dont la barbarie s’accroissait encore par l’affaiblissement de leur puissance. Les esclaves ne brisent leurs chaînes que pour en exterminer leurs maîtres ; leurs mains violemment affranchies s’arment de la torche et du poignard, et au jour de sa délivrance la bête de somme devient tigre.

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« Après avoir reconquis les droits dont on l’avait dépouillé, il est naturel que l’homme cherche à s’en assurer la jouissance ; et la défaite du spoliateur doit amener sa proscription.

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« Ce n’est pas de la rhétorique, ce ne sont pas de vaines déclamations : tout cela est conforme aux principes d’une saine logique, aux lois de la nécessité et aux vérités enseignées par l’histoire. Les rois qui tombent du faîte d’une vaste puissance ne conservent pas le rang de simples citoyens, et deviennent des parias dans le pays même où ils vécurent en souverains. Les races, les corporations sont quelquefois proscrites comme les dynasties ; les blancs exclus à Saint-Domingue, c’est Jacques II à Saint-Germain, c’est Charles X et sa famille à Prague, ce sont les Jésuites chassés des pays qu’ils voulaient enchaîner. »

(Revue des Colonies de décembre 1835, p. 245.)


Ce n’est pas ici la seule fois que le coryphée des amis de l’ordre ait porté un jugement semblable sur la révolution de Saint-Domingue. Dans une lettre adressée à M. Isambert, que celui-ci vient de publier, il lui disait, en parlant d’un sénateur d’Haïti accusé d’avoir pris part aux massacres de Saint-Domingue :


« Je suis loin de le blâmer comme raison d’État, comme nécessité politique et comme loi de circonstance imposée par le salut public. L’histoire nous apprend que toutes les transformations sociales ne se sont jamais opérées sans que l’humanité ait eu à en souffrir. C’est en ce sens, bien entendu, que je ne blâme pas les rigueurs salutaires de Saint-Domingue. L’humanité avait eu a souffrir de l’oppression qui pesait sur la race nègre ; il fallait cette oppression pour le maintien de l’esclavage, de l’esclavage avec toutes ses horreurs et de la domination des blancs à Saint-Domingue. Les incendies et les massacres furent donc une nécessité pour détruire, pour transformer l’ancien ordre de choses à Saint-Domingue, et M… et ses amis purent être sénateurs et président de la république. Il est plus qu’étrange que ceux qui jouissent aussi des avantages qu’ont procurés les incendies et les massacres en jettent l’odieux sur ceux qui ne les ont jamais conseillés, sur ceux