Page:Scherer - Études sur la littérature contemporaine, t. 7, 1894.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
220
LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

ciations et commencèrent leur partage. Catherine n’était pas femme à scrupules d’aucune espèce. « Jamais je n’ai signé d’acte avec autant de satisfaction, » disait-elle au ministre d’Autriche à Saint-Pétersbourg. Elle en écrit à Voltaire sur le ton le plus dégagé : t Nous n’avons point trouvé d’autres moyens de garantir nos frontières des incursions des prétendus confédérés commandés par des officiers français, que de les étendre. Le cours de la Dwina et du Barysthène, dont j’ai fait prendre possession ces jours-ci, fera cet effet. Ne trouvez —vous pas raisonnable que ceux qui ferment les oreilles à la raison payent les violons ? J’ai ordonné de faire venir le comédien dont vous me parlez. A propos, que dites-vous de la révolution de Suède ? »

Tout autre était Marie-Thérèse, bonne et honnête nature, mais née pour son malheur sur un trône, et perpétuellement tiraillée entre ses scrupules et des nécessités de situation, entre ses remords et la raison d’État. Les combats intérieurs de cette vertueuse souveraine seraient la chose du monde la plus tragique s’il ne s’y mêlait un grain de ridicule. Le contraste entre de si bonnes intentions, de si vertueuses protestations, et les capitulations de conscience par lesquelles se terminait constamment la lutte, finit par produire un effet absolument burlesque. « Ma maxime est honnêteté et candeur : rien de double et d’induire les autres », écrivait-elle dans son abominable français, au mois de janvier 1771, alors qu’on commençait à parler du partage. Le partage une fois décidé : « Ma seule consolation, disait-elle au prince de