Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/17

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un second, qu’il n’auroit de gloire de s’en voir un tel. »

Ce qui avait plus que toute chose frappé Marie de Gournay chez l’auteur des Essais, c’était la liberté et la tranquille assurance avec laquelle il parlait de soi, s’interrogeait et se décrivait, se prenant pour le type même de l’homme. Elle l’imite sur ce point avec docilité, parlant d’elle sans cesse quand elle ne parle pas de lui. Il y a des moments où l’on pourrait croire qu’elle se prend pour Montaigne : il n’est plus pour elle qu’un prétexte heureux qui lui permet de se mettre en avant. Dans un petit traité où elle ne se nomme pas[1], parce qu’elle sait fort bien qu’on l’y devinera, elle déclare sans fausse honte ni modestie qu’en « somme les belles ames s’allient infailliblement et necessairement ensemble, et de plus, en ces termes : Toy et moy nous attribuons l’une à l’autre, pource que la beatitude de l’une et de l’autre est en sa compagne, et nulle part ailleurs durant le cours de ceste vie. »

L’alliance conclue à Paris fut cimentée et Gournay-sur-Aronde où Montaigne alla passer quelques mois auprès de Marie et de sa mère[2]. À ce moment justement il faisait imprimer la véritable deuxième

  1. Cet essai fait partie de l’Ombre de la damoiselle de Gournay et s’intitule : Que par necessité, les grands esprits et les gens de bien cherchent leurs semblables.
  2. Pasquier dans ses Lettres (liv. II, chap. xviii) nous apprend que Montaigne séjourna à Gournay « trois mois, en deux ou trois voyages avec tous les honnestes accueils que l’on pourroit souhaiter. »