Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/18

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édition de ses Essais[1]. Tout nous porte à croire que le maître et l’élève lurent ensemble les bonnes feuilles de ce livre. Montaigne, déjà mécontent et en quête de mieux, chargeait les marges de l’ouvrage, de corrections, de suppléments, de notes diverses. Deux additions des plus importantes ont été écrites sous sa dictée par Marie de Gournay et achevées ou corrigées ensuite par lui[2]. Ceci prouve bien en effet que leurs « genies » sympathisaient. On devine entre eux de longues causeries et des promenades prolongées où la vieille jeune fille racontait des contes bleus au jeune vieillard. Un jour, comme ils venaient de lire ensemble le récit des accidents de l’amour dans Plutarque et qu’ils philosophaient sur les funestes effets des passions, Mademoiselle de Gournay dit à Montaigne une tragique histoire d’amour. Montaigne goûta cette invention et encouragea la jeune

  1. 1588. L’exemplaire auquel nous faisons allusion est le fameux Montaigne de Bordeaux dont les premières notes datent de 1588. – Faut-il rappeler ici qu’en réalité cette édition était la 5e, mais que les modifications apportées aux trois premières réimpressions avaient peu d’importance ?
  2. Voici ces additions : L. I, 22. « Est-ce pas mal mesnagé d’advancer tant de vices certains et cogneus, pour combattre des erreurs contestées et débatables ? Est-il quelque pire espèce de vices que ceus qui choquent la propre consciance et naturelle cognoissance ? Le sénat », etc. C’est Montaigne qui reprend la plume où commence l’italique et qui finit le paragraphe 2. – L. I, 23. « J’en sçay un autre qui a inespérement advancé sa fortune, pour avoir pris conseil tout contraire. La hardiesse de quoi ils cherchent si avidement la gloire, se présente quand il est besoing, aussi magnifiquement en pourpoinct qu’en armes : en un cabinet, qu’en un camp : le bras pendant, que le bras levé. » Ce passage présente des corrections de la main de Montaigne.