Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/36

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un remède au désordre de sa cassette. Sa première année d’exercices lui a coûté « quelque somme non méprisable », mais l’argent qu’elle y a employé lui venait de ses travaux et non pas de son patrimoine. Pendant les sept années qui suivirent, elle a dépensé de cent à cent vingt écus par an pour ses fourneaux, et depuis, l’alchimie ne lui coûte plus que deux ou trois écus par an parce que les maîtres verriers lui prêtent leur feu. D’ailleurs elle a fait d’obstinées économies en l’entretien de sa personne pour retrouver les sommes dépensées pour son apprentissage, afin de pouvoir dire que l’alchimie ne lui coûtait rien. À ceux qui se moquent de sa constance, Marie de Gournay répond que c’est avoir l’esprit bien court que de ne voir dans l’alchimie que l’espoir de l’or. Pourquoi s’impatienter ? On attend bien une année pour qu’un épi mûrisse. « Outre, dit-elle, que si mesmes je n’esperois nul succès en l’œuvre, comme je ne puis désormais faire après ce longtemps écoulé sans fruict, je ne lairrois pas de travailler : pour voir soubs les degrez d’une très-belle décoction, ce que deviendra la matière que je tiens sur le feu : curiosité naturelle et saine. »

Forte de ses amitiés, fière de ses parentés électives et consciente de sa propre valeur. Mademoiselle de Gournay se jeta courageusement dans la mêlée littéraire et s’égara même par instants dans la politique[1]. Elle se battit en véritable amazone, toujours

  1. Bayle, dans son Dictionnaire, à l’article Gournai, lui reproche de s’être mêlée à de violentes polémiques. À son avis, « une personne de son sexe doit éviter soigneusement cette sorte de querelles. »