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LE BOUDDHISME AU TIBET

traits peuvent être quelque peu idéalisés[1] mais les vêtements, les ornements, les armes, etc., restent reconnaissables comme d’origine étrangère.

Une particularité des représentations religieuses du bouddhisme tibétain, c’est qu’elles présentent deux types coexistants bien arrêtés ; l’un offrant les traits tibétains, l’antre conservant les traces de son origine indienne. Les origines géographiques respectives des deux prototypes se présentent assez distinctement à l’œil exercé à l’examen des moindres traits ethnographiques, et même les naturels intelligents apprennent bientôt à distinguer les types quand leur attention a été portée sur les caractères indicateurs. Néanmoins il faut être très circonspect quand on touche à des considérations si délicates. Les questions de modifications idéales doivent être discutées et réglées, ici comme dans presque toute analyse d’œuvres artistiques, avant de se lancer dans une comparaison de dates positives ; et tel a été probablement l’obstacle à l’explication de formes qui paraissent, à première vue, extraordinaires et arbitraires[2].

La race bhot, qui appartient à la famille touranienne, a été si souvent décrite, que je me bornerai dans mes remarques sur ce peuple, à ce qui sera absolument indispensable. Les Bhots sont caractérisés par de larges traits, des os maxillaires forts et les paupières obliques, sans toutefois que l’orbite et la prunelle en soient affectés ; j’ajouterai comme autres traits, moins frappant peut-être, mais non moins typiques, que dans la race bhot, l’oreille est relativement longue, la bouche grande, la mâchoire inférieure et le menton mince. Dans toutes les représentations de Bouddhas et de Bōdhisattvas nous rencontrons, au contraire, des traits qui rappellent le type des races indiennes d’origine aryenne, le front haut et découvert, le menton large, symétrique

  1. Comme exemple curieux et jusqu’à présent unique d’un écart apparent des proportions naturelles dans la sculpture, je citerai qu’Hermann a observé dans les sculptures de Ninive que le pied est considérablement plus long que l’avant-bras ; tandis qu’en plastique les erreurs arbitraires de ce genre s’exercent ordinairement dans le sens opposé. Je dois ajouter toutefois que jusqu’à présent il est impossible de décider si cette déviation repose sur une particularité anatomique réelle, car aucuns restes humains, aucun portrait de Ninivites par d’autres nations qui pourraient corroborer ce fait, n’existent dans les riches musées orientaux de Londres. Peut-être les recherches persistantes et les découvertes importantes faites dans ces régions par sir Henri Rawlinson, à qui mon frère a communiqué sa remarque, nous aideront-elles bientôt à décider cette question.
  2. Je me borne ici, presque exclusivement, au bouddhisme tibétain. La Chine, le Japon et Ceylan, comme aussi l’archipel indien, ont leurs dieux propres qui montrent, comme ou devait s’y attendre, des types différents de ceux des représentations tibétaines.