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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

nous devient évident qu’ils y ont été conduits par la conformité du nom avec le système auquel ils l’appliquent. Mais Wassiljew a clairement prouvé dans son ouvrage que Yogāchārya n’est qu’une branche du système mahāyāna, et il y substitue le nom de « mysticisme » que j’ai également adopté. Ce nom a été choisi parce que ce système place la méditation, la récitation de certaines prières, la pratique des rites mystiques au-dessus de l’observation des préceptes et même de la moralité de la conduite. Le mysticisme apparaît pour la première fois comme système spécial au dixième siècle de notre ère ; il est appelé dans les livres sacrés Dous Kyi khorlo, en sanscrit Kala Chakra, « le cercle du temps »[1]. On rapporte qu’il a pris naissance dans la fabuleuse contrée Sambhala (tib. Dejoung), « source ou origine du bonheur ». Csoma, d’après de minutieuses recherches, place cette contrée au delà du Sir Deriau (Yaxartes) entre le 45° et le 50° de latitude nord. Le mysticisme apparut dans l’Inde en l’an 1025 av. J.-C. Je ne puis croire que ce soit par hasard que l’ère du calendrier tibétain, dont je parlerai dans un autre chapitre[2], coïncide avec l’introduction de ce système. Je croirais plus volontiers, quoique cela n’ait pas été indiqué comme un point particulièrement important, que la rapidité avec laquelle ce système fut accepté le fit paraître si important que les événements furent dès lors datés de son apparition.

Les principaux rites et formules du mysticisme et les théories sur leur efficacité présentent une analogie extraordinaire avec le shamanisme des Sibériens, et sont en outre presque conforme au rituel Tantrika des Hindous ; à l’homme convaincu que les trois mondes n’existent qu’en imagination et qui règle ses actions d’après cette croyance il promet le don de facultés surnaturelles bien supérieures à la force qui provient de la vertu et de l’abstinence et capables de le mener à l’union avec la divinité. Ses théories sont développées en deux séries de livres, connus sous le nom collectif de Dharanis (tib. Zoung), et Tantras (tib. Gyout). Les formules Dharani doivent être très anciennes, et il n’est pas impossible que les chefs mahāyāna en aient déjà pris quelque

  1. Voir Csoma, On the origine of the Kala Chakra system, Journal, As. Soc. Beng., vol. II, p. 57. Grammar, p. 192, Analysis As. Res., vol. XX, p. 488, 564. Comparez aussi Burnouf, Introduction, section v. Hodgson, Notice on buddhist symbols, R. As. soc., vol. XVIII, p. 397. Wilson, Sketch of the religious sects of the Hindus, As. Res., vol. XVII, p. 216-29.
  2. Voir chapitre xvi.