Page:Schlegel - Œuvres écrites en français, t. 1, éd. Böcking, 1846.djvu/146

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les dangers, les luttes, sont la condition indispensable du développement des facultés qui autrement resteraient engourdies dans l’inaction. De l’antagonisme partiel résulte l’harmonie universelle. Cet antagonisme se manifeste déjà entre les éléments, les bases du monde matériel. C’est partout Discordia concors.

Rentrez ensuite dans vous-même ; tâchez de pénétrer jusqu’au centre de votre être, dont le corps avec les organes de la perception et de l’action, même la raison, n’est que l’enveloppe. Le Dieu est en vous : il s’y laisse trouver par des âmes pures, telles que la vôtre. Mais cette révélation est ineffable. Aussitôt que l’on essaie de la traduire en ces termes abstraits, inventés pour les sciences démonstratives, tout redevient confusion et obscurité. Renoncez donc a la théologie dogmatique.

Il suffit que le témoin de tous nos sentiments, le vieil ermite dans notre cœur, nous écoute et nous parle. Il ne nous quitte jamais, quoique nous le perdions quelquefois de vue dans le tumulte des passions, au milieu du tourbillon des affaires mondaines. Vous le retrouverez dans l’émotion que vous cause tout acte de dévouement accompli, toute résolution magnanime. Vous n’êtes pas mû par l’intérêt personnel, quelque délié qu’il soit, fût-il même relatif à une vie à venir, représentée sous des images trop sensuelles. comme l’a peinte votre prophète. Vous remplissez des devoirs, sans en demander aucune récompense. Vous êtes vrai, bon, juste, généreux. Rassurez-vous, prince ! vous êtes dans la voie d’une union intime avec la divinité.