Page:Schlegel - Œuvres écrites en français, t. 1, éd. Böcking, 1846.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas été plus juste de dire : Dieu est la bonté ? Car dans le mot amour nous comprenons le désir d’inspirer des sentiments réciproques, et le besoin d’une union intime avec l’objet aimé. Les mystiques ont en effet attribué à la divinité ce besoin et ce désir ; nous savons de reste ce qui en est arrivé.

Mais si l’on avait dit : Dieu est la bonté, cette thèse aurait perdu toute son originalité, puisque tous les peuples de la terre ont reconnu la bonté divine. De là les sacrifices, les fêtes joyeuses et la plus grande partie du culte. On éprouvait le besoin d’exprimer sa reconnaissance autrement que par de simples paroles. Les premiers sacrifices furent sans doute des actions de grâce : on offrait à la divinité les prémices de ses propres dons, comme un enfant presse sa mère de goûter d’un fruit qu’elle vient de lui donner.

24.

Avoir le sentiment de la bonté et de la justice, agir d’après leurs impulsions, c’est adorer et servir Dieu, quand même on n’aurait jamais entendu prononcer son nom.

25.

Les philosophes sont les Sisyphes de la pensée humaine. Quelques efforts qu’ils fassent, de quelque côté qu’ils se tournent pour trouver une montée moins escarpée, ils ne parviennent pas à fixer la pierre au sommet. Cela étant, dira-t-on, à quoi bon la philosophie ? Je réponds : D’abord c’est un excellent exercice de gravir les montagnes, surtout lorsqu’on pousse un poids très-lourd devant soi. Cela tend les muscles, élargit la poitrine et fortifie toute la con-