Page:Schlegel - Œuvres écrites en français, t. 1, éd. Böcking, 1846.djvu/255

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rent avant que ces cérémonies leur aient pu être administrées, seront condamnés aux peines éternelles. Il était réservé aux docteurs chrétiens d’attribuer de pareilles rigueurs à la justice divine.

94.

Comme les prêtres de presque toutes les religions ont fini par posséder de grandes richesses, par mener une vie non-seulement oisive et commode, mais somptueuse, par occuper un rang éminent dans l’ordre social ; quelquefois par devenir souverains eux-mêmes ; l’hypothèse qui attribue la première invention de la religion à la ruse sacerdotale a pu paraître assez probable au premier abord : mais un examen plus approfondi en démontre la fausseté. Comment les prêtres auraient-ils pu acquérir cet ascendant sur les peuples, et surtout sur les guerriers et les rois, s’ils n’avaient pas été les interprètes d’une conviction intime et universelle ? si, en donnant une voix à cette conviction, ils n’avaient pas satisfait un besoin réel de la nature humaine ? Les prêtres n’ont pu façonner les hommes à leur gré avec le marteau de la superstition que sur l’enclume des vérités éternelles.

95.

L’Émile de Rousseau commence par la phrase suivante : « Tout est bien, sortant des mains de l’auteur des choses ; tout dégénère entre les mains de l’homme. »

Mon cher Jean-Jacques, vous avez couru après une brillante antithèse, et vous ne vous êtes pas aperçu que vos deux thèses se contredisent. Tout est bien, sortant des mains de l’auteur des choses ; l’homme sort, je pense,