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dhisme, les sannyâpis, les vânaprasthas du brahmanisme. On a le choix, car les titulaires de la cinquième classe de Pline ne sont pas très clairement déterminés ; ils se consacrent plutôt à la culture de la sagesse qu’ils ne sont adonnés aux pratiques de la religion. Les divisions en classes se seraient établies et développées, s’il faut en juger par le mitioribus populis Indorum, non par un motif religieux ni aussi par une raison politique, mais par l’instinct d’une forme de civilisation propre à la race indienne. C’est en conséquence de cela que la population qui fait les gros travaux, travaux aussi rudes que serviles, se trouve reléguée dans l’abjection d’une dernière classe, qualifiée de demi-sauvage, semiferum.

Mais je laisse Pline pour parler d’Arrien. Cet écrivain, quoiqu’il vécût au second siècle de notre ère, est encore de l’antiquité. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’il n’ajoute rien de bien nouveau aux renseignements déjà rapportés. Ce que j’y remarque, c’est qu’il peint les Indiens et spécialement les agents royaux, dont il compose la sixième classe, beaucoup trop favorablement quand il dit, que jamais ils ne donnent lieu à l’accusation de mensonge : οὐδὲ τις Ἰνδῶν αἰτίην ἔσχε ψεύσασθαι. Sans doute, la sincérité est itérativement inculquée aux Indiens par la loi, qui menace même les hypocrites et les menteurs d’un enfer spécial[1], de même aussi qu’elle promet aux hommes sincères et véridiques le séjour du meilleur des mondes, lokânâpnoti pushkalân, et la haute considération de Brahmâ, brahmapûjitâ[2] ; mais comme elle préconise aussi le mensonge, jusqu’à le dire préférable à la vérité quand il est fait par un pieux motif, dharmato’rtheshu, qu’elle pousse l’immoralité jusqu’à l’appeler la parole des dieux, daivin vacam[3], il ne faut pas être surpris de voir le mensonge être devenu à tel point le vice favori des Indiens qu’il leur est naturel comme le boire et le manger. On sait assez que cette disposition fait le désespoir de la justice anglaise.

Mais comment Arrien explique-t-il le système des castes ? Je crois que c’est par une raison sociale. En dire davantage, je ne le puis, car chercher chez cet auteur une théorie des castes, serait peine perdue. On est réduit avec lui à lire entre les lignes.

Voilà cependant à peu près tout ce que nous pouvons savoir des anciens sur le régime dont il s’agit. C’est peu en somme ; l’attention distraite que leur dédain accordait aux us et coutumes des barbares, les a empêchés d’approfondir le sujet. Puis, il faut dire que leurs relations avec l’Inde n’ont été en aucun temps considérables ou du moins suivies. Les rois gréco-bactriens, depuis Eucratides jusqu’à Ménandre, au milieu du second siècle avant Jésus-Christ, étendirent, il est vrai, leur empire au delà

  1. Mânav., IV, 197. Le nom de cet enfer est andhatâmisra, mot qu’on peut traduire par « grande affliction ». Cet enfer est le second des 21 qui existent.
  2. Mân, VIII, 81. Voir ensuite 82-101, le magnifique hommage rendu à la sincérité.
  3. Ib., 103, sq. Cf. Yajnav., II, 83.