Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/43

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troisième argument, qui est de placer l’origine des castes à la création opérée par Brahmâ, il va sans dire que Dubois n’y croit pas ; il traite de fabuleuse aussi l’opinion rapportée par des livres indiens, « qui fait remonter l’institution des castes à des temps aussi reculés que ceux du déluge ». Sur ce chapitre, l’abbé est d’une fermeté louable. Mais est-ce par esprit critique ? Nullement ; c’est parce que cette opinion est en contradiction avec la théologie que le digne homme a apprise dans son bréviaire. Aussi n’est-il pas éloigné de voir dans l’institution castale une imitation de celle que « Moïse, comme on sait, établit parmi le peuple hébreu, selon l’ordre qu’il en avait reçu de Dieu. » Mais « ce saint législateur, durant le long séjour qu’il fit en Égypte, avait vu cette distinction établie parmi les habitants de cette contrée, et avait sans doute remarqué le bien qui en résultait ; il parait qu’en exécutant sur ce point sa mission divine, il ne fit qu’adopter et perfectionner un système politique déjà en vigueur parmi les Égyptiens. »

Nous voilà donc encore une fois revenu à la terre des pharaons, et je crois que ce ne sera pas la dernière. Mais nous savons déjà ce qu’il faut penser de la filiation égyptienne du régime des castes, et nous pouvons laisser à Dubois la responsabilité aussi de son opinion hébraïque.

L’auteur approche du vrai, quand il parle de système politique et qu’il dit que le développement de l’institution en subdivisons particulières à chacune des quatre grandes tribus chez les Indiens, est « sans contredit » assez moderne, et que c’est « la nécessité d’assigner à chacun, d’une manière très spéciale, son rang dans la société qui le provoqua. Les nouvelles coutumes ne sont donc pas, de l’aveu même de l’auteur, aussi inouïes qu’il l’avait prétendu tout à l’heure. En effet, et je ne fais que reproduire mon argument, l’Indien a été dès l’origine dominé par cet esprit particulariste qui se révèle si fortement déjà dans le Rig-Véda, en ce que la collection en apparence unitaire des hymnes couvre, en réalité, toute une collection de situations civiles et de cultes individuels différents. L’unité n’est maintenue que par la religion générale et commune à tous les clans des fonctions de la nature et du suzerain, samrâj, par l’uniformité subséquente de certains rites et par les liens d’une langue identique. Accordons d’ailleurs que le législateur indien paraît avoir eu un intérêt spécial à tant multiplier les catégories sociales et cherchons cet intérêt avec Dubois, dans la nécessité de contre-balancer les effets pernicieux de l’insouciance presque apathique des liens du sang et de la parenté qui caractérise en général tous les Indiens[1]. C’est dans cette indifférence, on ne peut guère en douter, que git un des motifs principaux de la polyandrie, cette forme du mariage communiste et, à cause de cela même, primordiale que les çûdras

  1. Dubois, ouvr. c., p. 33 sq.