Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/60

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castes, ni ordres[1], ni séparations d’état, ni mélange de classes[2] : varnaçramavyavasthaç ca na tadâsan na sankarah : tout cela ne commence qu’avec le tretâyuga, l’âge de la passion. Et nous y sommes. Cependant pour être inférieur à l’âge qui le précède, le tretâyuga n’en est pas moins une création parfaite, seulement sa perfection est autre, siddhir anyâ. Et le Purâna l’explique.

La perfection consiste dans l’ordre des quatre castes que Brahmâ a constitué pour que chacun de nous sache quels sont ses devoirs. Mais, prévoyant qu’il pût y avoir empêchement mutuel, vyarudhyanta parasparam, l’ordonnateur suprême établit la force qui châtié, balan dandan, et il en investit le kshatriya. La direction du sacrifice, l’étude et le droit de recevoir des aumônes sont dévolus au brâhmane. Le lot des viças est l’élève des bestiaux, le commerce et l’agriculture ; le gagne-pain des çûdras seront les arts mécaniques (çilpa) et le service.

Pour œuvres communes, brâhmanes, kshatras et viças auront le sacrifice, l’étude et l’aumône : sâmânyani tu karnâni brahmakshatraviçan punah, yajanâdhyayanan dâna sâmânyâni tu teshu vai[3]. Le çùdra est exclu de cette vie de communauté. Pourquoi ? Le purâna y avait déjà répondu en assimilant les çûdras aux hommes méchants, parce qu’ils sont issus des aborigènes, çûdrâdrohijanâs bhâvitâh purvajâtishu[4].

Passant des Purânas, dont il serait aussi fastidieux qu’inutile d’épuiser la collection, à ce gigantesque poème qui a nom Mahâbhârata et que les Indiens considèrent tant qu’ils le nomment le cinquième Véda, le Véda de Krishna[5], nous y lisons, dans la partie intitulée Çântiparva, section 72, le dialogue que voici :

« Purûravas : D’où naquit le brâhmane et aussi les trois (autres) castes ? Et laquelle est la plus élevée ? Veuille bien m’expliquer cela. — Mâtariçva : Le brâhmane (fut) créé de la bouche de Brahmâ ; le kshattriya (fut) créé de (ses) bras et de même le vaiçya de (ses) cuisses. Pour être le serviteur de (ces) trois castes, le çûdra, la 4me caste, (fut) fait de (ses) pieds. Ainsi, le brâhmane étant né au-dessus[6] de la terre, il est le seigneur de toutes les créatures, le gardien du trésor de la loi. Par suite aussi, le kshatriya (est) le maître pour main-

  1. Ordres religieux, s’entend, comme sont ceux du brahmacâri, du grihastha, du vânaprastha, etc.
  2. Poussé au point que l’homme qui balance au-dessus de votre tête l’éventail appelé punkah, refuse positivement de porter un plat de table dans la chambre à côté. (Soltykoff, Voy. dans l’Inde, I, 167.)
  3. V. Caturâçramavibhâga le partage des quatre ordres dans le Vayupurûna.
  4. Ou plutôt, comme le mot aborigènes pourrait prêter à quelque erreur ethnologique se rapportant aux dravidiens : « aux tribus antérieures » aux tribus védiques.
  5. Kârshnam Vedam (Mahâbhârata, I, 2300 ; Calcutta, 1837).
  6. Anujâta, voudrait dire « né après », mais le correspondant adhijâjata de Manu nous fait entendre que cet « après », indique position supérieure.