et dont il doit « augmenter la force et la grandeur, » ou c’est un sacrifice qui viole quelque règle liturgique. Nul peuple ne fut jamais plus sévère en fait d’observation des règles établies que les Hindous. La moindre irrégularité dans les actions, en elles-mêmes les plus indifférentes, mais consacrées par la loi ou par l’usage, est un péché aussi grave qu’un crime proprement dit. Si l’on veut s’en faire une idée, il faut lire les commentateurs. C’est incroyable à quelles arguties, j’allais dire niaiseries, ils ont recours pour déterminer le sens de tel ou tel mot, employé dans telle ou telle cérémonie, sa vertu, sa forme, sa place avant ou après d’autres mots, sa prononciation, son rythme, etc., etc. Nous y reviendrons un autre jour, parce que c’est une page de la vie hindoue qu’il faut connaître, si l’on veut avoir une juste idée de la société indienne.
Une autre preuve du caractère tout humain[1] de la religion védique, et celle-là me paraît décisive, c’est le silence absolu qu’elle garde relativement à l’immortalité de l’âme. Il n’y a pas dans tout le Rig-Véda un seul passage qui énonce, je ne dis pas clairement, il ne faut pas en demander trop, mais qui énonce de loin, confusément, cette croyance si importante, la plus importante, parce que sans elle l’homme n’est homme qu’à moitié. « Tous les êtres sont à la terre[2] ; après la mort on demeure dans la tombe[3], » voilà ce que dit le Rig-Véda, et voici les raisons qui me font regarder ces paroles comme étant l’expression sincère des croyances de ce temps-là. C’est, en premier lieu, le langage qui, d’un bout du Véda à l’autre, représente les dieux comme des êtres finis et dépendants ; en second lieu, l’opinion nettement exprimée que l’homme, après sa mort, renaît sur la terre. Ceux qui professaient ces deux croyances, ne
- ↑ Je prie le lecteur de faire attention au sens que j’attache au mot humain quand je le fais servir de qualificatif au mot religion. Au fond aucune religion ne procède des facultés de l’homme, toutes ont une origine suprasensible qui n’est pas, il s’en faut, toujours divine. Ainsi, en qualifiant une religion d’humaine, je veux dire seulement qu’elle occupe l’homme principalement, sinon uniquement, des intérêts de la vie terrestre.
- ↑ Rig-Véda, sect. i, lect. iv, hym. xi.
- ↑ Voy. l’hymne à Mrityou (la mort), sect. vii, lect. vi, hym. xiii.
Indra, le col allongé, le ventre gonflé, le bras tendu, menace de mort ses ennemis » (Rig-Véda, vi, i, vi, 8).