Page:Scholl - Fruits défendus, 1888.djvu/10

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lumière, pendant que son frère et son mari criblaient de coups d’épée le jeune officier surpris et sans défense.

Il tomba, et avant de fermer les yeux pour la dernière fois, il se tourna vers sa maîtresse et murmura :

— Je te pardonne.


On fit disparaître le cadavre.

Mais un passant avait vu de la lumière dans la villa. Deux voisins affirmaient avoir entendu des cris. On raconta qu’un jeune homme se rendait quelquefois, la nuit, dans la villa.

La disparition d’un des plus brillants officiers de la cour, coïncidant avec le mouvement qu’on avait remarqué chez Mme Berstein, éveilla des soupçons.

Toute la police fut mise sur pied. On ne trouva rien. Cependant M. et Mme Berstein furent arrêtés. On avait des commencements de preuves, mais il fallait retrouver le cadavre.

On fouilla vainement les caves, le jardin.

Et les accusés se renfermèrent dans un mutisme absolu ; Le chef de la police, après avoir consulté un médecin, voulut tenter une expérience.


La jeune femme fut mise à un régime atroce. On la purgeait tous les matins. On lui donnait à manger juste ce qu’il fallait pour qu’elle ne mourût pas.

Au bout de quelques jours, elle était d’une faiblesse telle qu’elle pouvait à peine se lever. La nuit, elle avait le délire, elle prononçait des mots entrecoupés, mais elle gardait son secret.

Alors, un matin, le chef de la police entra dans sa prison.

— Vous êtes si faible, lui dit-il, que le médecin a ordonné de vous faire prendre l’air. Voulez-vous sortir un peu ?

— Oh ! oui, murmura Blanche.

Nous allons vous conduire à la campagne…, nous vous suivrons de loin pour ne pas éveiller l’attention…

Vous serez comme libre pendant une heure…


On la fit monter en voiture et on la conduisit aux environs de la villa de Berchtold.

C’était à la fin du mois de mai. Les arbres étaient en fleurs ; de tous côtés les marguerites, les coquelicots et les boutons d’or jaillissaient de l’herbe vivace.

Blanche respira avec délices, et, doucement, sans avoir conscience de sa situation, elle se mit à marcher…