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froide et quelques fruits pour son déjeuner. Puis nous allions l’accompagner jusqu’à la porte et la bonne la conduisit à sa pension.

Alors seulement commençait notre journée. Berthe et moi, nous faisions un bouquet pour maman ; nous allions cueillir des fraises ou des groseilles, des raisins ou des pèches, suivant les ordres reçus.

Une fois ce devoir accompli, les jeux commençaient. Les voisins nous faisaient de nombreux cadeaux à l’époque du jour de l’an ; aussi, avions nous toute sorte d’amusements ; cordes à sauter, raquettes et volants, toupies, bilboquet, ballons de toutes les dimensions et même une boîte à couleurs pour les jours de pluie.

Nous savions diviser et varier nos plaisirs, tantôt assis sur un banc de bois peint en vert qu’ombrageait un épais feuillage. Là, les poupées de Berthe s’exprimaient, par sa bouche, comme des personnes naturelles, auxquelles répondaient avec à-propos mon polichinelle, mon pantin ou mes soldats de bois, moustachus comme des Brésiliens et raides comme la discipline.

Un jour, Berthe tomba malade. Elle avait une méningite. À peine me laissait-on entrer dans sa chambre une fois par jour l’embrasser. Elle était brûlante et appuyait péniblement ses lèvres sur ma joue ; après quoi, elle se tournait avec un petit soupir.

Je sortais le cœur gros et les yeux mouillés de larmes.

— Quand sera-t-elle guérie ? demandais-je.

— Bientôt, mon ami, bientôt.

Oh ! que les journées, alors, me parurent longues ! Je les passais presque entièrement assis sur une marche de la porte d’entrée, ne sachant que faire ni que devenir.

Puis, on m’interdit même l’entrée de la chambre… et, un jour, je vis « maman » se jeter en sanglotant dans les bras de mon père. Celui-ci la serrait sur son cœur ; il semblait respirer péniblement, sa poitrine avait des soubresauts et de grosses larmes coulaient sur son visage.

— Que se passait-il donc ? J’entendis une des servantes dire à la voisine : « Mlle Berthe est morte… »

Morte ? qu’est-ce que c’est que cela d’être morte ? pensais-je.

Je demandai à ma pauvre mère :

— Berthe reviendra, n’est-ce pas ?

Et ma mère ne me répondit point.


Le soir, après avoir longuement réfléchi, je résolus de