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bientôt dix ans passe la soirée du jeudi à la maison et qui ne nous a jamais manqué.

Madame. — La belle affaire… Il boit notre vin, celui-là, et se chauffe à notre houille. À cause de lui, nous voici en froid avec les Brayant.

Monsieur. — En froid ? Tu n’en avais donc pas par-dessus la tête, toi, de ce roman à la Paul de Kock et des petits oiseaux chanteurs de Mademoiselle Émerance ?

Madame. — Tout cela n’empêche pas cette jeune fille d’être une charmante personne, fort bien élevée et qui ne sort jamais.

Monsieur (naïf). — Comme moi. Peut-être bien qu’elle aime aussi le coin du feu, dans des pantoufles.

Madame. — Elle ferait une bru admirable…

D’un geste tragique, Madame Dumortier plante son chapeau-capote sur l’une des coupes de marbre de la cheminée. Devant la glace, son mari lutte contre un faux col rétif retenu à la chemise par une demi-douzaine d’épingles.

Monsieur. — Tu vois bien que Jean ne veux pas nous la donner pour belle-fille. Pourquoi insistes-tu ?

Madame (devenant agressive). — Parce que ce mariage sauverait la situation déplorable que tu nous as faite avec ton coin du feu, tes pantoufles et ton Périel… un homme qui fait son café dans de l’émaillé.