Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/128

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bruit, qui ont peut-être même plusieurs éditions dans leur première et dernière année d’existence. Rappelez-vous plutôt, en cette occasion, que celui qui écrit pour des fous trouve de tout temps un public étendu ; et le temps toujours strictement mesuré qui est destiné à la lecture, accordez-le exclusivement aux œuvres des grands esprits de toutes les époques et de tous les pays, que la voix de la renommée désigne comme tels, et qui s’élèvent au-dessus du restant de l’humanité. Ceux-là seuls forment et instruisent réellement.

Pour lire le bon, il y a une condition : c’est de ne pas lire le mauvais. Car la vie est courte, et le temps et les forces sont limités.

On ne peut jamais lire trop peu de mauvaises choses, et jamais assez ce qui est bon. Les mauvais livres sont un poison intellectuel ; ils détruisent l’esprit. Parce que les gens, au lieu de lire ce qu’il y a de meilleur dans toutes les époques, ne lisent que les dernières nouveautés, les écrivains restent dans le cercle étroit des idées en circulation, et l’époque s’embourbe toujours plus profondément dans sa propre fange.

On écrit des livres sur tel ou tel grand esprit de l’antiquité, et le public les lit ; mais il ne lit pas le grand homme lui-même. Il ne veut lire que ce qui est fraîchement imprimé, parce que similis simili gaudet, et que l’aride et fade bavardage d’un plat écrivain de nos jours lui est plus approprié et plus agréable que les pensées du grand esprit. Pour ma part, je remercie le destin de m’avoir fait connaître, dès ma jeunesse, cette belle recommandation d’Auguste-