Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/200

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et harmonique de l’occasion extérieure avec la disposition et l’incitation intérieures ; et c’est cela justement qui n’est jamais le lot de ces gens-là.

Ceci trouve son explication même dans les pensées relatives à notre intérêt personnel. Si, dans une circonstance de ce genre, nous avons à prendre une décision, nous ne pouvons nous asseoir là à tel moment donné, examiner les raisons, puis conclure. Souvent, en effet, précisément alors, notre réflexion ne veut pas s’arrêter là-dessus, mais s’égare vers autre chose ; la cause en est parfois même dans l’aversion pour la circonstance en jeu. En pareil cas, il ne faut pas faire d’effort, mais attendre le moment où la disposition viendra. Cela s’effectuera souvent d’une façon inattendue et réitérée ; et chaque disposition différente en un moment différent jette une autre lumière sur le sujet. C’est ce lent processus qui constitue ce qu’on entend par la « maturité des résolutions ». Car la lâche doit être répartie. Maint point d’abord omis frappe alors notre attention, et l’aversion aussi disparaîtra, les choses vues de plus près paraissant en général beaucoup plus supportables.

De même, en matière théorique, il faut attendre le bon moment, et le meilleur cerveau lui-même n’est pas à toute heure en état de penser. Aussi fait-on bien d’employer le reste du temps à la lecture. Celle-ci, comme nous l’avons dit, est un succédané du penser personnel ; elle apporte des aliments à l’esprit, en ce qu’un autre pense alors pour nous, quoique toujours d’une façon qui n’est pas la nôtre. Il ne faut donc pas trop lire, afin que l’esprit ne s’habitue pas au succédané et ne désapprenne pas la chose même ; c’est-à-dire, afin