Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/85

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lement ! Des têtes chauves, de longues barbes, des lunettes en place des yeux, un cigare dans leur bouche grossière comme succédané de leurs pensées, un sac sur le dos au lieu d’un habit, une agitation désordonnée au lieu d’application, de l’arrogance au lieu de savoir, de l’effronterie et de la camaraderie au lieu de mérites[1]. Noble « temps présent », magnifiques épigones, grandis à la mamelle de la philosophie hégélienne ! Vous voulez, en souvenir éternel, imprimer vos pattes dans notre vieille langue, afin que l’impression conserve à jamais, sous forme d’ichnolite, la trace de votre existence vide et fade. Dî meliora ! Hors d’ici, pachydermes, hors d’ici ! Ceci est la langue allemande. Dans cette langue des hommes se sont exprimés, de grands poètes ont chanté, de grands penseurs ont écrit. À bas les pattes ! — ou vous mourrez de faim. Ceci seul les effraie.

La ponctuation, elle aussi, est devenue la victime de l’amélioration en mal « actuelle » de la langue prise à partie ici, et qui est due à des gamins ayant quitté trop tôt l’école et grandis dans l’ignorance ; elle est traitée de nos jours, à peu près généralement, avec une négligence voulue et satisfaite d’elle-même. Ce que les écrivailleurs se proposent en réalité par là, cela est difficile à dire ; sans doute cette folie doit représenter une aimable « légèreté » française, ou annoncer et présup-

  1. Il y a quarante ans, la petite vérole emportait les deux cinquièmes des enfants, tous ceux qui étaient faibles, et n’épargnait que les forts, qui avaient subi cette épreuve du feu. La vaccine a pris les premiers sous sa protection. Voyez maintenant les nains à longue barbe qui vous courent partout entre les jambes, et dont les parents ne sont restés en vie que grâce à la vaccine.